Dur, dur, de suivre la communication du gouvernement en ce moment… "Nous avons suffisamment critiqué la hausse de deux points de la TVA (ndlr, votée sous Nicolas Sarkozy) pour nous livrer au même exercice",déclarait Matignon fin septembre . Et patatras. Mis sous pression par les patrons, qui réclamaient un "choc de compétitivité", le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a finalement dû revoir sa copie, en annonçant la semaine dernière une augmentation de la TVA.
Un rétropédalage de plus pour l'exécutif. Six mois après son arrivée aux commandes du pays, la gauche a été contrainte de s'asseoir sur de nombreuses promesses réalisées par le candidat Hollande, ou du moins édulcorer certaines d'entre elles. Gel du barème de l'impôt sur le revenu, plus-values sur les ventes terrains à bâtir, impôt sur la fortune… Retour sur les principales reculades du gouvernement Ayrault sur le plan fiscal.
1. TVA
La promesse : "L'augmentation de la TVA, je la trouve inopportune, injuste, infondée et improvisée. Et c'est pourquoi, (…) si demain je suis appelé aux responsabilités du pays (…), je demanderai au parlement de l'annuler", avait déclaré François Hollande lors d'une conférence de presse à Brest le 30 janvier dernier .
La reculade : Une fois arrivés au pouvoir, les socialistes ont, certes, fait annuler l'augmentation de la TVA de 19,6 à 21,2%, qui était prévue au 1er octobre en contrepartie de la baisse des charges des entreprises. Mais le gouvernement a décidé début novembre d'augmenter le taux normal de 19,6 à 20% et le taux réduit de 7 à 10% en 2014, afin de financer, en partie, un crédit d'impôt de 20 milliards d'euros en faveur des sociétés.
2. Barème de l'impôt sur le revenu
La promesse : "La non-indexation (ndlr, sur l'inflation) du barème de l'impôt sur le revenu (…) c'est ce qu'il y a de plus injuste", affirmait Hollande dans une interview à l'Express en avril dernier , assurant qu'il reviendrait sur cette mesure en 2013.
La reculade : Le gel du barème de l'impôt sur le revenu, qui doit normalement être revalorisé chaque année en fonction de l'inflation, sera finalement maintenu pour 2013, si le projet de loi de Finances est voté en l'état. Certes, afin d'amortir les effets de la mesure sur les ménages les plus modestes, l'exécutif a décidé d'augmenter la décote, un système qui permet d'alléger voire d'annuler la note pour les plus faibles revenus. Mais les classes moyennes verront tout de même leur impôt sur le revenu augmenteren raison du gel.
3. Fiscalité sur les ventes de terrains à bâtir
La promesse : Dans une interview accordée en mars dernier à Capital.fr , Thierry Repentin, responsable logement de l’équipe de campagne du candidat socialiste, affirmait qu’Hollande engagerait une vaste réforme de la fiscalité du foncier, une fois élu. Objectif : lutter contre la pénurie. « Les propriétaires de terrains à bâtir ne seront plus contraints d’attendre 30 ans pour être exonérés de taxe sur les plus-values. La fiscalité sera inversée : plus ils conserveront leurs terrain, plus ils seront imposés », déclarait ce porte-parole aujourd’hui devenu ministre.
La reculade : Etrangement, la "fiscalité inversée", dont les partisans se comptent à gauche comme à droite , n’a pas été retenue dans le projet de loi de finances. Le gouvernement a préféré opter pour un système bien plus complexe. Dès le 1er janvier 2013, les abattements sur les plus-values tirées de la vente de foncier à bâtir seront supprimés. A compter de cette date, les propriétaires perdront les abattements acquis . Si la loi est adoptée en l’état, fin décembre, les propriétaires n’auront donc que quelques jours pour tenter de vendre leurs biens (plus précisément, pour signer une promesse de vente) avant d’être taxés plein pot. Ce qui promet de jolies bousculades chez les notaires durant les fêtes.
4. ISF
La promesse : "Je reviendrai sur les allègements de l'Impôt sur la fortune (ISF) institués en 2011 par la droite", annonçait François Hollande dans son programme présidentiel. Le gouvernement Fillon avait en effet fortement adouci l'ISF, en mettant en place un système avec seulement deux tranches d'imposition : 0,25% dès le 1er euro pour les ménages dont le patrimoine est compris entre 1,3 et 3 millions d'euros, et 0,5% au-delà.
La reculade : Au départ, le gouvernement comptait revenir au barème de l'ISF en vigueur avant la réforme décidée par Sarkozy. Soit un système de 7 tranches, allant de 0 à 1,8%. Finalement, si le projet de loi est adopté en l'état, la septième tranche à 1,8% ne sera pas rétablie, et les autres taux d'imposition seront moins élevés que ceux de 2011.
Autre aménagement : un mécanisme de plafonnement va être rétabli, afin que la somme de tous les prélèvements directs dus par un ménage ne puissent pas être supérieurs à 75% des revenus. Ce plafond, jugé indispensable par le Conseil constitutionnel pour que l'impôt ne devienne pas confiscatoire, rappelle le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy, qui était fixé à 50% des revenus.
Au final, la plupart des foyers assujettis paieront l'an prochain toujours moins d'ISF qu'en 2011, c'est-à-dire avant la réforme voulue par Sarkozy. Selon les projections du rapport Eckert , ceux dont le patrimoine est compris entre 1,4 et 1,5 million d'euros règleront, en moyenne, à 2.946 euros en 2013, contre 3.226 euros l'an dernier (-8,7%). La baisse sera encore plus élevée pour les plus fortunés : la facture des patrimoines supérieurs à 4 millions d'euros devrait s'élever à 56.853 euros, contre 72.533 euros en 2011.
5. Alignement de la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail
La promesse : "Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail", assurait François Hollande dans son programme présidentiel.
La reculade : Certes, à partir de l'an prochain, les intérêts de placements et les revenus tirés de dividendes seront bien taxés obligatoirement selon la tranche d'imposition dans laquelle se situe le ménage . Il ne sera donc plus possible d'opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire (de 24% pour les livrets et de 21% pour les dividendes), ce à quoi il faut ajouter 15,5% de prélèvements sociaux. Mais on est encore loin de la vaste réforme fiscale promise par le candidat Hollande, a dénoncé récemment l'Institut des politiques publiques. Plusieurs catégories de revenus sont en effet épargnées.
Ainsi, les plus-values immobilières ne sont pas concernées, du moins pour le moment, par le dispositif.La fiscalité de ces gains va même être allégée en 2013 : un abattement supplémentaire de 20% sera accordé aux propriétaires qui vendront leur bien l'an prochain. Pour rappel, les plus-values immobilières (hors résidences principales) sont taxées à 19% durant les cinq premières années. En y rajoutant les prélèvements sociaux (15,5%), le taux d’imposition atteint 34,5%.
Enfin, les plus-values de cessions de valeurs mobilières ont elles aussi obtenu un traitement de faveur, suite à la fronde de plusieurs entrepreneurs, surnommés les "Pigeons". Il sera toujours possible d'opter pour un prélèvement forfaitaire libératoire de 24% en 2013. A partir de 2014, ces gains seront soumis au barème de l'IR, mais avec un abattement, pouvant grimper jusqu'à 40%.
6. Niches fiscales
La reculade : Le montant des diminutions d'impôts cumulables grâce aux niches fiscales va bien être réduit à 10.000 euros par foyer fiscal en 2013, contre 18.000 euros + 4% du revenu imposable actuellement. Mais plusieurs dispositifs échapperont à ce coup de massue, si le Parlement valide en l'état le projet du gouvernement. Les avantages tirés des investissements réalisés en outre-mer (loi Girardin) resteront soumis au plafond actuel (18.000 euros + 4% du revenu imposable).
En outre, les réductions d'impôt accordées au titre des dépenses en vue de la restauration d'un immeuble bâti (loi Malraux) et celles tirées des investissements dans les SOFICA (production cinématographique) ne seront pas comprises dans le plafond global. "Ces deux dispositifs s'inscrivent dans une exception culturelle que nous assumons", avait récemment justifié le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, à Capital .
7. Livret A
La promesse : "J'agirai pour que soient construits au cours du quinquennat 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, dont 150.000 logements très sociaux, (…) grâce au doublement du plafond du Livret A. (…) Je mobiliserai l'épargne des Français, en créant un livret d'épargne industrie dont le produit sera entièrement dédié au financement des PME et des entreprises innovantes. Pour cela, je doublerai le plafond du livret de développement durable, de 6.000 à 12.000 euros", peut-on lire dans les "60 engagements pour la France" de François Hollande.
La reculade : Si le plafond du LDD a bien été doublé, à 12.000 euros au 1er octobre, celui du Livret A a, par contre, été relevé de seulement 25%, à 19.125 euros . Une deuxième hausse, de 25% également, a été promise avant la fin de l'année. Le gouvernement a, certes, laissé la porte ouverte à de nouvelles augmentations du plafond, en "fonction des besoins". Mais ces deux relèvements successifs seront largement suffisants pour financer le logement social, estiment les économistes du cabinet Pair Conseil.
Thomas Le Bars