jeudi 22 novembre 2012

Hollande, la dérobade



(ALFRED/SIPA)
(ALFRED/SIPA)
On pouvait penser que le spectacle du chaos de la droite allait permettre à l’exécutif de souffler un peu et reconstituer ses forces. Ce dernier craignait bien quelques dérapages d’un ministre, un faux-pas, un « couac ». Mais non. Tout paraissait calme et maîtrisé jusqu’à – stupeur – la sortie (ou sotie) que François Hollande vient de faire devant l’assemblée des maires de France.

Alors qu’aucune demande particulière n’avait été déposée par les instances dirigeantes de cette association, le président de la République a décidé d’évoquer le mariage pour tous.
Dans un premier temps, le chef de l’Etat a tenu à souligner que « les maires sont des représentants de l'Etat […] Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer ». Ce qui pour des élus de la République nous apparaît comme relever de l’évidence. Mais il a ajouté immédiatement après : « La loi s'applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience.»

(A partir de 1'10)


Dans « le respect de la liberté de conscience »… Ce qui signifie clairement la possibilité pour des élus de ne pas célébrer ce mariage s’ils n’y sont pas favorables. Ils avaient appelé le mariage gay « mariage pour tous », au nom de l’égalité. Et là, tranquillement, en loucedé, ils proposent d’élargir aux maires opposés à cette loi « les possibilités d’une délégation ». Un peu comme si les élus étaient des candidats à « C’est mon droit, c’est mon choix ».
Que les maires ne célèbrent pas tous les mariages, c’est un fait. Que le président de la République le justifie pour des raisons de « conscience » est incompréhensible. A moins de considérer que désormais l’homophobie relève de la liberté de conscience… L’annonce est d’autant plus surprenante qu’Hollande dément ainsi les propos de Michel Sapin et de Najat Vallaud-Belkacem.

Le mois dernier un collectif de maires instrumentalisés par la droite de la droite demandait au gouvernement d’instaurer, pour le mariage homosexuel, une clause de conscience. Hors de question pour les élus du PS et le gouvernement : « Tout le monde doit respecter la loi, surtout ceux qui sont élus », insistait la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.
Que s’est-il passé entretemps ? Ce revirement présidentiel survient après les manifestations de samedi et dimanche dernier des opposants aux mariages homos. Il n’est pas venu à l’idée de François Hollande d’avoir un mot, un seul, d'aide ou de compassion pour tous ceux qui reçoivent des tombereaux d’invectives depuis plusieurs mois. On imagine aisément ce qu’en aurait dit François Mitterrand.
Cette déclaration a été accueillie, mardi soir, par des cris de victoire dans le camp anti-mariage homo et pas seulement chez Christine Boutin. Désormais, ces derniers font porter leurs efforts sur le débat parlementaire en réclamant que sur ce sujet, les députés puissent faire jouer, comme les maires, « leur liberté de conscience ». Le patron du groupe PS, Bruno Leroux, jure qu’il n’en est rien. Jusqu’à quand ? Si la loi passait en cet état.

On peut imaginer qu’en prenant appui sur les propos présidentiels, les avis de mariage dans les municipalités de droite donneraient à peu près ceci : « Les mariages homos seront célébrés au 3sous-sol de la mairie annexe. Dernier mardi de chaque mois…»
Mariage gay, mariage au rabais ?
Le pire est que, sans doute, le chef de l’Etat et certains de ses conseillers pensent agir finement. Dommage. Ils offrent un nouveau cheval de bataille à la droite pour les municipales de 2014.

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