mercredi 30 octobre 2013

Emplois vacants : la faute aux chômeurs ?

ANNE FRETEL*

S’il y a des emplois vacants, c’est de la faute des chômeurs qui ne veulent pas travailler ou qui ne sont pas assez formés. Est-ce si simple ?

Illustration - POUZET/SIPA
Illustration - POUZET/SIPA
C’est presque devenu une ritournelle : quand le chômage augmente, la question des emplois vacants est mise sur le devant de la scène et, de façon plus ou moins implicite, le comportement des demandeurs d’emploi est montré du doigt. Lors d’une intervention télévisée le 24 avril 2008, Nicolas Sarkozy avait ainsi déclaré : « il y a 500 000 offres d’emploi qui ne sont pas satisfaites avec 1,9 million de chômeurs, l’immense majorité des chômeurs essayent de trouver un emploi, mais certains ne veulent pas se mettre au travail, c’est une minorité qui choque ».  

Plus récemment, lors de l’ouverture de la deuxième conférence sociale des 20 et 21 juin derniers François Hollande soulignait : « nous avons à regarder une réalité, elle n’est pas nouvelle. Il y a à peu près de 200 000 à 300 000 recrutements qui sont entamés, puis abandonnés, parce qu’il n’y a pas de candidats suffisamment qualifiés par rapport aux emplois qui sont proposés. ». L’analyse a le mérite d’être simple : s’il y a des emplois vacants, c’est de la faute des chômeurs qui ne veulent pas travailler ou, dans la version plus « soft » de 2013, qui ne sont pas assez formés. Est-ce si simple ?  

Pour éclairer ce débat – et sortir d’un certain nombre d’idées reçues  –  on peut s’appuyer, à condition de le lire entre les lignes, sur le dernier rapport du COE (Conseil d’orientation de l’emploi) intitulé « Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement »1

EMPLOIS VACANTS ET DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT NE SONT PAS SYNONYMES

Comme le précise d’emblée le rapport « les termes d’emplois vacants, d’offres non pourvues, de difficultés de recrutement ou de métiers en tension sont généralement utilisés de manière indifférenciée, alors même qu’ils recouvrent des réalités très différentes » (p.8). En effet, un emploi vacant désigne, selon la définition d’Eurostat, un poste rémunéré nouvellement créé, inoccupé ou sur le point de devenir vacant pour lequel, d’une part, l'employeur entreprend activement de chercher, en dehors de l'entreprise, un candidat et, d’autre part, qu'il a l'intention de pourvoir immédiatement ou dans un délai déterminé. 

En ce sens, l’existence d’emplois vacants reflète le fonctionnement « normal » du marché du travail où les ajustements ne sont pas instantanés. On ne peut donc pas conclure à des difficultés structurelles du marché du travail du fait de l’existence d’emplois vacants. 

Bien que cherchant à démontrer cette piste, le COE n’y parvient d’ailleurs pas, si ce n’est à grand renfort d’hypothèses théoriques fortes (celle du déplacement de la courbe de Beveridge) et à l’appui de formules prudentes « cela semble révéler des difficultés de nature structurelle » pour finalement conclure : « le niveau des emplois vacants ne donne pas d’information précise sur la nature et l’ampleur de ces difficultés, non seulement parce que les indicateurs portant sur les emplois vacants (issus de l’enquête ACEMO) ne sont pas encore assez robustes, mais aussi parce qu’il est normal dans une économie saine et dynamique qu’un nombre relativement élevé d’emplois vacants existe de manière permanente. Une analyse plus fine des difficultés structurelles actuelles doit alors être menée sur la base de l’observation des difficultés de recrutement des entreprises et des durées de recrutement » (p. 41). 

REGARDER DU CÔTÉ DES EMPLOYEURS POUR COMPRENDRE LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT

Si l’on suit cette piste, regarder du côté des entreprises pour mieux comprendre les difficultés de recrutement, qu’apprend-on ? En premier lieu qu’il ne faut pas confondre échec de recrutement et difficultés de recrutement. On peut estimer selon différentes sources (Enquête OFER et observatoire TEC du Médef) que l’on a environ 300 000 échecs de recrutement par an. Ce qui, rapporté aux 21 millions de recrutements annuels dans le secteur privé hors intérim, représente moins de 2% des recrutements effectués. 

Pour autant un recrutement qui aboutit peut être difficile. Cela toucherait entre un quart et un tiers des recrutements en CDI (même ordre de grandeur selon les différentes sources). Ces difficultés de recrutement seraient pour le COE le signe de problèmes structurels (p. 64). Soit. Mais reste à définir lesquels. Le rapport alors souligne la grande variété des difficultés de recrutement selon les métiers et les territoires, concluant que « bien appréhender la complexité de ce phénomène est essentiel pour éviter les explications globalisantes qui risqueraient de conduire à des solutions partielles voire inadaptées » (p. 112). On peut y voir un premier pas permettant de sortir du registre de discours du type « la faute aux chômeurs » très fréquemment avancé.  

Le déficit d’attractivité de certains métiers, la saisonnalité d’une activité, la dimension géographique de l’emploi, l’inadéquation entre les compétences attendues par les recruteurs et celles disponibles, sont autant de causes rappelées des difficultés de recrutement. Tous ces critères sont alors passés en revue et, en dépit d’un certain nombre de dogmes que le COE ne peut s’empêcher de mobiliser, l’institution est obligée de conclure : 

1/ « qu’il n’y a pas de corrélation générale entre difficultés de recrutement d’une part et faibles niveaux de salaires ou conditions de travail difficiles d’autre part » (p. 134) ;  

2/ que l’indemnisation du chômage ne peut être considérée comme une source de moindre attractivité d’un emploi du fait du salaire de réserve qu’elle impose car « il faut prendre en compte que le travail est également un facteur d’épanouissement personnel d’une part et d’intégration sociale d’autre part » (p. 145). Reste alors la question de l’inadéquation des compétences de la population active aux exigences des employeurs. Hollande aurait-il raison ? Les chômeurs ne seraient-ils pas assez formés ?

LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT : UN PROBLÈME DE...

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Le scandale des péages privatisés

EMMANUEL LÉVY

Sur les autoroutes, ça roule pour eux. Les actionnaires des sociétés autoroutières siphonnent les automobilistes et l'Etat, qui leur a vendu à vil prix cette poule aux œufs d'or.


SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
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Plus fort encore que l'emprunt Giscard indexé sur l'or - une catastrophe pour les finances publiques ; plus insondable que le plan informatique des années 80, qui s'avérera un gouffre sans fond, la privatisation des autoroutes, finalisée en 2005 sous la présidence Chirac, figure déjà en tête du concours de « la plus mauvaise affaire jamais faite par l'Etat ».  Un récent rapport de la Cour des comptes le confirme. 

Il donne même une vision apocalyptique de la situation : l'Etat serait totalement démuni, déculotté, face à Vinci, Eiffage et Sanef, les trois principaux proprios des autoroutes hexagonales, installés tels les gras fermiers généraux de l'Ancien Régime sur leurs 9 000 km de concessions. Péages en hausse continuelle, explosion des bénéfices, prorogation quasi automatique des concessions. En laissant s'engraisser les rentiers de l'or gris, l'Etat régulateur fait peut-être pis encore que l'Etat propriétaire, qui leur avait cédé à vil prix les autoroutes en 2005. « Les conditions actuelles ne permettent pas de garantir que les intérêts des usagers et de l'Etat sont suffisamment pris en compte », euphémise Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes. 

Comment cette situation a-t-elle pu perdurer ? Comment l'Etat a-t-il pu rester les bras ballants devant un tel détournement de l'argent du contribuable au profit d'intérêts privés ? Les profiteurs, on les connaît : ce sont les actionnaires de Vinci (ASF, Cofiroute, Escota), d'Eiffage (SAPN, APRR), les deux géants tricolores du BTP, et d'Albertis, leur cousin espagnol (Sanef présidé, on ne rit pas, par Alain Minc, grand promoteur de la privatisation). Le candidat Hollande avait promis d'y mettre fin. Aujourd'hui, il envisage de proroger la rente de trois ans... 

Comme si le permanent lobbying des autoroutiers, parmi les plus efficaces, laissait les usagers à la merci de ceux qui s'engraissent à leurs dépens en pressurant l'affaire que ces mêmes usagers ont à l'origine financée. Autrement dit, tous les citoyens - automobilistes au pouvoir d'achat affaibli, salariés ou petits patrons d'entreprise dont les surcoûts de transport dégradent la compétitivité - doivent payer la note - salée. 

Sur la route des vacances, au moment de franchir le péage autoroutier, le conducteur a toutes les raisons de sentir son portefeuille frétiller. Le sentiment de se faire détrousser s'installe. La martingale des profiteurs est en effet implacable. En moyenne, tous véhicules confondus, c'est 12,5 centimes qu'il faut cracher pour parcourir chacun des 9 000 km d'autoroutes payantes en concession. Pour les véhicules de tourisme, il faut compter jusqu'à 10,5 centimes en moyenne, contre 8,3 en 2005 (presque + 30 % !). Et cela monte jusqu'à 14,5 centimes pour aller de Chamonix à Chambéry (soit un ticket à 12,70 €). Presque deux fois le kilomètre pour le Paris-Lyon (7,23 centimes), par l'A6, section pourtant ultra-amortie. 

De petits ruisseaux qui font d'immenses fleuves. Ensemble, ASF, Cofiroute, Sanef et consorts encaissent, dans l'année, 10,5 milliards d'euros. Une aubaine pour leurs actionnaires, les grands groupes de BTP, car chacun des kilomètres parcourus sur leur réseau génère en moyenne près de 2,57 centimes de bénéfice net... 

Faites le calcul. Avec 83,8 milliards de kilomètres facturés, une manne de plus de 2 milliards tombe chaque année dans leurs poches, près de 43 % de plus qu'en 2005. A ce rythme-là, les 15 milliards payés en 2006 lors de la privatisation seront remboursés dans trois ans ! Et la poule aux œufs d'or est dans leur poulailler pour encore vingt longues années (au moins). Jusqu'en 2033. 

Martingale ? Au moment où les autoroutiers font pression sur l'Etat pour proroger (une fois de plus) leur concession, le récent rapport de la Cour des comptes en décrypte les méthodes. Insensible à la baisse du trafic, le chiffre d'affaires des autoroutiers poursuit inlassablement sa progression. Bizarre. Donc, quand le trafic croît, c'est le Pérou. Côté coûts, les économies, elles, sont au rendez-vous. De la réduction des moyens affectés à l'entretien des chaussées jusqu'à l'automatisation à marche forcée des bornes de paiement qui permet de réduire les charges de personnel, tout est bon pour tirer un maximum des péages. 

Sans compter que le temps joue pour eux : l'amortissement de nombreux tronçons allège chaque année le coût de leur endettement. Résultat mécanique : le chiffre d'affaires progresse trois fois plus vite que l'inflation, quand le bénéfice net, lui, met le turbo, avec une vitesse quatre fois supérieure à celle des prix. 

DES TARIFS TOUJOURS EN HAUSSE

Le scandale des péages privatisés
« La vraie solution, c'est le gel des tarifs des péages. On sait bien le faire pour les salaires, alors pourquoi pas avec les compagnies autoroutières ? » Après des années de hausse continue, l'argument de Pierre Chasserey, président de l'association 40 millions d'automobilistes, a le mérite de la simplicité et de l'efficacité. 

Sauf que ce n'est pas possible. Contractuellement, les autoroutiers ont le droit d'augmenter leurs tarifs d'au moins 70 % du montant de l'inflation. Vous avez bien lu : « d'au moins ». Mais, s'il y a un plancher, aucun plafond n'est en revanche prévu. De sorte que « l'Etat exclut lui-même tout gel, voire toute baisse », indique malicieusement Didier Migaud. Pourquoi le ministère des Transports - c'est-à-dire, en fait, la Direction des infrastructures de transport (DIT) - a-t-il consenti des hausses de tarifs allant bien au-delà de l'inflation (voir le graphique ci-dessus) ? 

La réponse s'appelle « contrats de plan ». Signés pour cinq ans (on en est à la deuxième année), ils définissent les investissements d'« amélioration des réseaux » que s'engagent à réaliser les concessionnaires pour le bien-être supposé des usagers. Une belle promesse à laquelle la cour a du mal à croire : ou bien certains de ces travaux « relevaient des obligations normales des concessionnaires », ce qui ne devrait pas donner lieu à compensation, ou, pis encore, « l'Etat a accepté de compenser par des hausses de tarifs un grand nombre d'investissements de faible ampleur, dont l'utilité pour l'usager n'était pas toujours avérée ». Exprimés en termes diplomatiques, l'accusation est terrible. La multiplication des bornes d'arrêt sans péage - les « free flow », dans le langage autoroutier - illustrent jusqu'à la caricature cette dérive. 

Ces investissements ultrarentables, qui boostent le résultat des autoroutiers en réduisant leur masse salariale, sont donc financés par les usagers eux-mêmes. Une belle mise en pratique du célèbre proverbe : « Donne-moi ta montre, je te donnerai l'heure. » Traduit dans le langage pudique de la Cour des comptes, cela donne : « Les bénéfices des sociétés concessionnaires n'ont pas à être réinvestis [donc ne l'ont pas été] dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Par construction, ce modèle ne peut qu'aboutir à une hausse constante et continue des tarifs »... Le rêve capitaliste : disposer des revenus, sans courir de risque. 

Non contents d'être déjà gagnants-gagnants, les autoroutiers ont raffiné un peu plus encore l'entourloupe. Ils ont ajouté un étage à leur gros gâteau. Filiales de géants du BTP, ils réservent naturellement à leur maison mère l'essentiel de leur programme. Pardon ! Pourquoi se gêner ? « C'est une double rémunération, une première fois à travers les dividendes servis par les autoroutes, et une seconde via la surfacturation des travaux de la maison mère sur sa filiale », s'insurge Charles de Courson, le député UDI de la Marne. Et ça tombe bien, l'Etat n'a pas (ou ne se donne pas) les moyens de s'assurer que les obligations des autoroutiers inscrites dans les contrats de plan ont été pleinement remplies. Et, quand bien même, la pénalité maximale est riquiqui : 0,055 % de leur chiffre d'affaires ; bref, une piqûre de moustique sur la peau d'un éléphant. 

Impossible non plus d'établir la réalité de la fin du foisonnement tarifaire, pourtant déclaré illégal en 2006. «Depuis 2011, il aurait disparu», s'interroge Didier Migaud. Difficile, pourtant, pour les autoroutiers de renoncer à ce système pernicieux d'optimisation de leurs recettes. En gros, il s'agit de respecter en moyenne l'augmentation fixée par l'Etat, tout en modulant les tarifs des tronçons selon leur fréquentation. Bref, d'amplifier la hausse légale. De sorte que 1 + 1 soit égal à plus de 2. Magique ? Non, mathématique. 

Pour en apprécier l'ampleur, et aussi retourner la martingale à son profit, il suffit de sortir par une petite gare de péage pour revenir ensuite sur l'autoroute et finaliser son trajet. Une telle stratégie conduit parfois à payer moins cher le même trajet réalisé d'une seule traite. Ainsi, pour un Paris-Nantes, il faut compter 27,50 €. Mais, si l'on choisit de sortir puis de retourner sur l'autoroute en gare d'Ablis, la douloureuse tombe à 25,90 €. 

Pratiquée trois fois sur ce trajet, cette technique permet d'économiser jusqu'à 3,90 €, soit 14 % du tarif direct (voir le site www.autoroute-eco.fr ). Un comble : en contrepartie de la disparition du foisonnement sur son réseau, Cofiroute a obtenu une compensation tarifaire de 234 millions d'euros pour la période 2011-2014. 

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LA RENTABILITÉ AU DÉTRIMENT DU SERVICE

Le scandale des péages privatisés
Pour faire grossir la rentabilité de la machine à cash, les autoroutiers jouent sur deux autres leviers. 

Primo, la réduction des personnels. Depuis la privatisation, le secteur a perdu plus de 20 % de ses effectifs, de sorte que, désormais, seulement 4 % des paiements sont réalisés via les traditionnelles petites cabines. 

Secundo, une baisse générale de la qualité du service et de l'entretien du patrimoine, pourtant propriété de l'Etat et principale justification du péage pour les usagers. Une baisse dont les pouvoirs publics se refusent à prendre la pleine mesure. « Sur 503 visites de chantier en 2011, une seule a concerné la chaussée, qui a pourtant conduit à une mise en demeure », s'est inquiété Didier Migaud. Un seul contrôle ! Et il a permis de constater « d'importantes dégradations des chaussées [décollement du revêtement] sur des sections étendues du réseau ». Où passent donc les versements aux péages ? 

Aussi, les équipes d'entretien, considérées comme un coût par les autoroutiers, ont été mises à contribution pour ramener du cash en gagnant des contrats de maintenance de... la voirie publique. Ce que résume Yannick Moné, délégué syndical central Unsa-Sanef : « Entre l'automatisation et la pyramide des âges, l'emploi est en chute libre dans le secteur, l'entretien du réseau public pèche aussi. Mais ce n'est pas tout. Les autoroutiers ont perçu une aubaine pour rentabiliser un peu plus leurs personnels. Ils facturent l'entretien des routes, leur balisage, parfois le salage des nationales. Quand ce n'est pas le complexe militaire de Metz, pris en charge par la Sanef ou l'aéroport de Beauvais. C'est devenu tellement fréquent que cela s'en ressent sur l'entretien de nos propres infrastructures. » On marche sur la tête... 

A cette double démission de l'Etat à remplir son rôle de régulateur (c'est-à-dire de protection des usagers) et de préservation de son patrimoine s'en ajoute une troisième. Alors qu'il augmente partout les prélèvements obligatoires, l'Etat-seigneur, celui qui lève les impôts, fait montre d'une étrange mansuétude à l'égard de ces fermiers généraux modernes. «Il faut voir comment les sociétés concessionnaires se sont battues comme des lions pour limiter la hausse de la taxe domaniale, alors qu'il s'agissait de la passer de 200 millions à 400 millions d'euros. 

Au final, malgré une hausse de seulement 100 millions, les autoroutiers menacent toujours de poursuivre devant le Conseil d'Etat. Ce qu'ils considèrent comme une grave remise en cause des conditions de la privatisation. Et le pire, c'est qu'ils risquent de gagner», s'énerve un responsable de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). 

Mais ce n'est pas tout, Christian Eckert, député PS de Meurthe-et-Moselle, est «furieux». Motif du courroux du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale ? «Le lobby insensé qu'ils ont mené pour ne pas être soumis à la fin de la déductibilité fiscale des frais financiers. Ils ont imposé au gouvernement un amendement qui nous a coûté 300 millions d'euros... dont la moitié pour les autoroutiers.» 

LE LOBBYING DES AUTOROUTIERS AU CŒUR DU POUVOIR

Les autoroutiers en rêvaient. Ils touchaient même au but. N'avaient-ils pas, il y a trois ans, obtenu de Jean-Louis Borloo, alors en charge des Transports et de l'Ecologie, une rallonge d'un an de leur concession, avec un argument aussi écologiquement correct que ravissant : le « verdissement » de leur business ? Une blague, évidemment, consistant surtout à installer des péages sans arrêt. Cette fois, ils ont convaincu son successeur, Frédéric Cuvillier, moyennant 3,5 milliards de travaux d'infrastructure, de rallonger la sauce de trois ans. 

En réalité, le discret ministre ne fait que relayer le feu vert de l'Elysée : «Ils ont vendu au plus haut niveau le projet "pétrole contre nourriture" appliqué aux routes, c'est-à-dire des années de concession supplémentaires contre des milliards de travaux. La filière corrézienne a joué à plein sa proximité avec le président Hollande via le très chiraquien Bernard Val, l'ex-patron d'ASF, dont il est encore administrateur», explique un haut fonctionnaire de Bercy. 

A la mi-mars, l'affaire était dans le sac. «Pour les autoroutes, j'ai demandé au ministre des Transports de négocier avec les sociétés concessionnaires pour que des travaux puissent être engagés et donc que l'économie nationale puisse en être bénéficiaire», assure François Hollande alors qu'il inaugure le pont Chaban-Delmas, à Bordeaux. Pour le président, le bénéfice de ce «troc» est triple : réaliser les infrastructures demandées par les élus locaux, les faire payer par les autoroutiers, et enfin relancer l'activité en France, avec des milliers d'emplois à la clé. De son côté, Vinci a fait le tour des popotes des élus locaux, histoire de faire monter la pression. Chacun d'entre eux ayant son petit projet de bout d'autoroute, ils n'ont pas été bien difficiles à convaincre. Ainsi de Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes, qui fait carrément de la retape pour l'allongement des concessions : «Pourquoi pas, si cela peut financer le tronçon qui permet de finaliser l'A51 ?» - dans sa circo, bien sûr... 

Qu'importe le deal léonin, avec un prix sous-évalué : cela a marché en 2005 lors de la privatisation, alors pourquoi pas aujourd'hui ? Après tout, rien n'a changé, au contraire. La disette d'argent public est encore plus prégnante et les caisses des autoroutiers, elles, regorgent du cash de nos péages. De quoi leur permettre d'imposer un rapport de force. Un peu trop, d'ailleurs, à l'image de Pierre Coppey, l'intransigeant patron de Vinci Autoroutes, qui «s'est cru tout permis», rapporte un négociateur pour l'Etat. «Ils ont été trop gourmands. L'administration n'a pas d'argent, mais elle a le pouvoir de freiner. C'est ce qu'elle a fait. Il s'en est fallu de peu pour que Jean-Marc Ayrault ne donne son feu vert et annonce la prorogation de trois ans dans son discours du 9 juillet dernier», poursuit notre homme. Trop gourmand ? 

Les 3,5 milliards d'euros d'investissements qu'ils promettaient de prendre à leur charge, comme le bouclage de la Francilienne (2,5 milliards), ne pèsent pas lourd face aux bénéfices induits par trois années d'exploitation : l'équivalent de 8 milliards d'euros d'aujourd'hui (lire l'encadré)... 

« C'était à deux doigts de passer», confirme Olivier Faure, député PS de la Seine-et-Marne. Ce parlementaire, réputé proche du Premier ministre, est précisément celui qui a commandé le rapport à la Cour des comptes sur les relations entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Et, au regard des conclusions au vitriol des magistrats de la Rue Cambon, l'exécutif a été bien inspiré d'attendre encore un peu avant de donner suite aux demandes pressantes des autoroutiers. «C'était politiquement délicat... » reconnaît Olivier Faure. 

Question de calendrier, en somme. Les autoroutiers n'ont plus qu'à faire le dos rond ! Ils ont deux atouts maîtres dans leur poche : le temps et l'argent... Ce n'est que partie remise.

VINCI TOUCHE DE PARTOUT 

Pour Vinci, désormais roi des concessions (autoroutes, parkings, aéroports), les bonnes nouvelles s'amoncellent. Dernière en date : l'accès au Système d'immatriculation des véhicules (SIV) du ministère de l'Intérieur. Une victoire pour les concessionnaires d'autoroutes, comme ASF qui pourront envoyer directement la douloureuse aux fraudeurs des péages, sans passer par la case tribunal. «C'est bon pour récupérer 2 millions de passages. Mais, à plus long terme, les sociétés visent la gestion du stationnement en voirie et le péage urbain, comme à Londres», décrypte Yannick Moné, délégué Unsa à la Sanef. 

Et, justement, la récente dépénalisation des PV, votée à l'unanimité au Sénat, est en passe d'ouvrir grandes les portes de ce nouvel eldorado. 

Déjà leader dans le concessions de parkings souterrains, le groupe Vinci rêve d'étendre son empire aux centaines de milliers de places en surface et d'empocher les 500 millions d'euros que générent les horodateurs. Mieux gérés, ce que Vinci sait faire justement, ils pourraient cracher jusqu'à 2,4 milliards d'euros. Ne reste plus qu'à «convaincre» les automobilistes de lâcher leur petite monnaie. C'est là que la réforme de la dépénalisation des PV prend tout son sens. Désormais, les maires pourraient moduler le tarif des prunes. Jusqu'à 36 € pour Paris. Et comme il n'est plus besoin d'être assermenté pour les dresser, la prune pourrait très bien être cueillie directement par Vinci, ses agents ou ses caméras. Couplé avec l'accès direct aux plaques d'immatriculation, le cocktail risque d'être aussi explosif pour le portefeuille des automobilistes qu'enivrant pour celui des actionnaires de Vinci. 

Et aussi : 

- 450 millions d'euros : dès 2014, avec la mise en place de la taxe écolo sur les routes nationales, des centaines de milliers de poids lourds emprunteront les péages des autoroutiers. Ces 450 millions sont à 95 % de la marge pure, la moitié ira chez Vinci. 

- Fin juin, Vinci a mis la main sur 3,7 % du capital de l'Etat dans Aéroports de Paris (ADP). A cette date, le groupe détient désormais 8 % d'ADP, et s'impose un peu plus comme le candidat naturel pour une privatisation totale.

 
LA PROROGATION DE TROIS ANS : LA NOUVELLE ARNAQUE... 

« A la fin de sa période de concession, le 31 décembre 2033, ASF devrait réaliser 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit entre 2 et 3 milliards d'euros de bénéfices... chaque année. Si on proroge de trois ans, ces milliards de 2033 équivalent à 2 milliards d'euros d'aujourd'hui », explique un analyste d'Aurel BGC. Comme ASF pèse un tiers du secteur, notre analyste nous dit donc que trois ans de concession supplémentaire généreront une vingtaine de milliards entre 2034 et 2037, soit l'équivalent de 6,5 milliards d'aujourd'hui. On est loin des chiffres sur lesquelles les autoroutiers négocient avec l'Etat. 

Pour eux, le «troc» doit se faire sur la base du précédent : le verdissement des autoroutes : un an de prolongation, 1 milliard de travaux. Trois ans donnent donc 3,5 milliards d'euros. CQFD, moitié moins que les 6,5 milliards de notre analyste. Mais même cette estimation pourrait se révéler en deça de la main. « L'activité des autoroutes est sans risque. La preuve : même quand le trafic recul, leur chiffre d'affaires comme leurs bénéfices progressent. S'ils s'effondrent, c'est qu'il n'y a plus d'économie en France... comme une catastrophe nucléaire », nous confie un éminent membre de la Cour des comptes. Pas de risque ? 

Les investisseurs sont aussi de cet avis : quand ASF s'endette, elle le fait selon un taux d'intérêt proche de celui de l'Etat, encore récemment à 2,875 % pour un emprunt de dix ans. Cela veut aussi dire que si ASF et ses consœurs voulaient échanger la vingtaine de milliards qu'elles recevraient dans vingt ans contre du cash aujourd'hui, le «marché» les lui troquerait contre 11 milliards... A l'Etat de ne pas se faire avoir une seconde fois. 

En 2005 quand la décision de privatiser a été prise, c'est sur la foi d'un rapport parlementaire que les députés ont voté cette braderie à vil prix. On pouvait y lire que les bénéfices prévus des autoroutiers (alors publics) devraient être de 900 millions d'euros en 2012... plus de deux fois moins que ce qu'ils ont réellement rapporté à leurs actionnaires privés l'année dernière. Arnaque, vous avez dit arnaque ?

Article publié dans le numéro 851 du magazine Marianne 

mardi 29 octobre 2013

Le règne de la concurrence déloyale


L'abattoir GAD, un de nos fleurons dans son domaine, installé dans le Finistère, licencie près de 900 employés pour réduire ses coûts. Oui, les employés qualifiés de "coûts" sont payés au Smic (mais c'est encore trop!) à 9,43€  de l'heure , 1150€ ne par mois, alors que les actionnaires qui ne sont là que pour leur donner du travail sans se faire de soucis pour la part de leurs dividendes qui a crût de façon magistrale par rapport à la masse salariale, et GAD ne peut lutter contre la concurrence déloyale des abattoirs allemands, qui rémunèrent leurs salariés venus de l'Est à 3 ou 4 € l'heure, moins de 400€ net par mois dans les conditions sociales dignes du Quatar ( temps de travail à rallonge, logement insalubre,etc. ). Le dumping salarial n'est possible que grâce à la directive européenne de 1996 sur les travailleurs détachés. Hollande compte-t-il faire interdire cette directive européenne et demander à l'Allemagne de stopper cette ignominie sociale? C'est super l'Europe! n'est-t-il pas?

Ce que gagnent vraiment les pauvres

Ce que gagnent vraiment les pauvres

Du salaire des cadres, on nous rebat les oreilles. Celui des pauvres ne provoque que silence et indifférence. C'est une armée de l'ombre composée de quelque 8 millions d'individus. Comment vivent-ils ? Gros plan sur quelques-uns de ces oubliés de la République.



ÉRIC, KIOSQUIER 

4,50 € de l'heure 

Eric Ayani est kiosquier à Paris depuis quinze ans. Il a d'abord pris une échoppe dans le XVIIIe. Puis une autre dans le XVIIe, avant d'atterrir en juillet 2012 devant le no 1 du boulevard des Capucines, dans le VIIIe. Une place de choix, pensait-il, entre l'Opéra et les grands magasins, haut lieu touristique. Las. «Ici, c'est très agréable, dit-il, en parcourant d'un regard circulaire la grande place qui entoure son kiosque. Mais mon chiffre d'affaires ne représente que 30 % de celui que je réalisais boulevard Malesherbes...» Lequel chiffre d'affaires n'était déjà plus très fameux. «La vente de la presse est en baisse partout. Je pensais qu'avec les touristes je vendrais des journaux étrangers, mais tout le monde regarde les infos sur Internet», regrette Eric Ayani, qui termine chaque mois avec juste de quoi faire bouillir la marmite. Mais pas question de lâcher prise. Il s'active seul de 9 heures à 22 heures, sept jours sur sept, et vient d'acheter un store à 3 000 € pour agrandir la surface et vendre cartes postales, sacs et tee-shirt griffés Paris, magnets, minitours Eiffel et boissons fraîches. «Le frigo, c'est Coca qui nous l'a offert», rit-il. Avec ce bric-à-brac pour touristes, il espère «gagner 1 500 € par mois», après avoir payé le loyer, le téléphone, le comptable, sa Sécurité sociale, Internet et l'électricité... et trimé 13 heures par jour. 

ALAIN, 55 ANS, COUVREUR 

5 € de l'heure 

Le 13 septembre dernier, Alain Jouin, couvreur, n'a pas hésité à rejoindre la manifestation inédite des artisans du BTP en colère contre la hausse de la TVA et la concurrence déloyale qui leur pique les clients. Comme beaucoup de ses collègues du bâtiment, sa trésorerie est à sec, il court après les chantiers. Et, pour couronner le tout, l'Urssaf lui réclame 6 000 € qu'il n'a pas et refuse d'échelonner sa dette. «Je ne gagne rien, lâche-t-il. J'ai même du mal à payer ma décennale [assurance professionnelle].» Couvreur depuis l'âge de 16 ans, Alain s'est mis à son compte en 1996. Depuis dix-sept ans, il se lève à 6 heures, grimpe sur les toits dès 7 heures, et remballe le matériel dans sa petite camionnette vers 18 heures-18 h 30. «Au début je me payais l'équivalent de 1 200 € par mois.» Mais petit à petit Alain s'appauvrit. Les banques ne lui prêtent plus et les clients sont de plus en plus exigeants. Pour se payer correctement - il fait ses comptes -, il faudrait «dans l'idéal» qu'il réalise un chiffre d'affaires de 10 000 € par mois. Et là, notre couvreur est loin du compte. «Avec le chantier que je termine, j'ai juste une avance de 3 000 €. Après, j'ai quatre volets roulants à poser pour 4 000 €. Mais il faut enlever 2 000 € de camelote ! Je suis stressé pour la fin du mois...» 

GÉRALDINE, 40 ANS AUXILIAIRE DE VIE

750 € net/mois 

Géraldine est auxiliaire de vie à La Baule depuis bientôt dix ans. Elle travaille 100 heures par mois, gagne 9,73 € brut de l'heure, 30 centimes de plus que le Smic horaire, mais seulement 750 € net par mois. «Je suis à temps partiel, mais en réalité je suis disponible 5 jours sur 7 de 8 h 30 à 20 h 30 et un week-end sur deux payé 8 € de plus.» 

Seules les heures effectivement passées auprès des «clients» lui sont rémunérées. Pas un sou de plus pour les heures creuses, ces entre-deux, où elle doit rester disponible en cas d'urgence, ni pour le temps passé à courir de l'un à l'autre, surtout le matin pour «faire les toilettes» et le soir pour surveiller le coucher. C'est un travail fatigant, très physique et très prenant moralement. On a des parkinson, des alzheimer, des personnes très malades ou en fin de vie, explique-t-elle. Alors quand je reçois ma petite paie, je suis un peu révoltée. Mais que voulez-vous, ici, il y a si peu de travail.» 

L'intégralité du dossier Ce que gagnent vraiment les pauvres à lire dans Marianne n°860 

samedi 12 octobre 2013

Jean-Michel Naulot - "Crise financière : Pourquoi les gouvernements ne f...

Jean-Michel Naulot, membre de l'Autorité des marchés financiers, ancien banquier. Il publie "Crise financière;  Pourquoi les gouvernements ne font rien" aux éditions du Seuil.

 Je pense qu'on est toujours assis sur un volcan




lundi 7 octobre 2013

Présidentielle 2002-Brignoles 2013 : la méthode Coué mène à l’horreur !

Par Evariste
Dans un canton où la gauche faisait 50 % en 2011 (élection gagnée d’un cheveu par le FN, mais invalidée) et en 2012 (élection gagnée d’un cheveu par le PC, mais invalidée), voici le réel qui fait irruption lors du premier tour de la cantonale partielle de Brignoles, ce dimanche 6 octobre 2013 : aucun candidat de gauche au deuxième tour et l’extrême droite recueille plus de 49 % sur deux candidats (40,40 % pour le premier et 9,1 pour le second, dissident). La gauche passe de 50 % des suffrages exprimés à moins de 24 % en un an.
Déjà la machine médiatique néolibérale bien rodée crache sa propagande honteuse :
1) surtout il ne faut rien changer quant aux politiques nationales néolibérales de l’UMP et du PS, qui sont les seules possibles ;
2) si la gauche était unie, elle aurait été présente au deuxième tour (le candidat PC soutenu par le PS fait 14,58 % et le candidat Vert 8,9 %, face à une candidate de l’UMP qui dépasse difficilement 20 %) ;
3) il faut faire battre le candidat du Front national et promouvoir la candidate néolibérale de l’UMP pour que rien ne change.
Disons-le tout net ! Si nous étions électeur de Brignoles, nous voterions au deuxième tour contre le candidat FN. Mais nous aurions conscience que ce n’est qu’un vote désespéré qui ne résout rien. Car les causes de ce désastre, ce sont les politiques néolibérales suivies par l’UMP, le pseudo centre, le PS et EELV. Donc faire élire un candidat du parti qui est la cause du désastre ne résout rien. Au mieux, ce serait « moins pire ». Mais comme dans les années 30, le cancer continuerait à progresser jusqu’à l’ultime scène. Car si l’histoire ne se répète pas à l’identique, les mêmes causes produisent les mêmes effets, certes sous des formes différentes.
Déroulons notre analyse. Si les électeurs de gauche ont voté avec les pieds (35 % de participation), ce n’est pas parce qu’ils préfèrent le pastis à la votation. C’est la troisième fois qu’il votent en trois ans sur ce canton, ils connaissent l’implantation et la nocivité de l’extrême droite. C’est parce qu’ils sont des déçus de la politique de François Hollande pour lequel ils ont largement voté au deuxième tour de la présidentielle. Le slogan « le poing et la rose » devient un emblème peu sympathique pour les couches populaires.
Si la gauche avait été unie dès le premier tour, le FN n’en aurait fait qu’une bouchée au deuxième tour. Reprenons l’analyse d’Antonio Gramsci, car la nouvelle droite est en marche comme dans les années 30. Les manifestations contre le mariage pour tous ont montré son nouveau resourcement. C’est la droite qui est en avance dans la bataille pour l’hégémonie culturelle. Une large majorité des électeurs de l’UMP sont pour une alliance UMP-FN. Le cache-sexe du « Front républicain » ne fonctionne plus. Il n’est plus là que pour justifier le maintien de la politique d’austérité anti-sociale du gouvernement solférinien.
Si les électeurs comprennent bien que dans une élection à deux tours, on puisse voter au deuxième tour pour le meilleur candidat ou le moins pire, ils ne peuvent comprendre toute alliance au premier tour entre des candidats néo-libéraux solfériniens et des candidats qui par ailleurs sont au Front de gauche. L’élection du 6 octobre à Brignoles préfigure donc le désastre qui pourrait avoir lieu dans les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) en cas d’alliance au premier tour entre des candidats du Front de gauche et des candidats solfériniens aux municipales.
Mais de plus en plus d’électeurs se rendent aussi compte que le « mal » ne provient pas seulement des néolibéraux de droite et de gauche. Il provient aussi de « manques » dans le développement du Front de gauche. ReSpublica a plusieurs fois mis en avant ses idées quant à ces « manques » :
  • Réticence à mettre au poste de commande de l’action politique locale ce qui touche prioritairement les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) mais aussi les couches moyennes intermédiaires (24 %) : l’emploi, la précarité, la santé, les retraites, la perte d’autonomie, la politique familiale, le logement, les services publics, la laïcité, la construction européenne, le débat sur la crise économique, la démocratie dans la conduite des luttes, etc.
  • Incapacité du Front de gauche à tirer les conséquences du phénomène de gentrification (baisse rapide des couches populaires dans les villes centres, baisse lente mais significative des couches populaires des banlieues populaires, accroissement fort des couches populaires en zone périurbaine et rurale) et donc de produire la stratégie adéquate. Rappelons la campagne du FN dans les « villages » depuis la campagne présidentielle !
  • Réticence à lier les actions de résistance où le Front de gauche est présent à de grandes campagnes massives d’éducation populaire de rupture, au plus près des couches populaires et des couches moyennes intermédiaires. Les meetings et les réunions « entre nous » ne remplaceront jamais l’éducation populaire. La bataille pour l’hégémonie culturelle autour de la globalisation des combats et d’un nouveau modèle politique alternatif (la République sociale) est nécessaire. La présentation concomitante des politiques de temps court et de temps long est aussi indispensable.
  • Incapacité du Front de gauche de se présenter partout uni au premier tour des élections sans les solfériniens.
  • Incapacité, la plus dommageable sans doute, car à la racine des toutes les autres, à mettre radicalement en cause la construction européenne. Prétendre pouvoir construire une autre Europe, sociale, une Europe des peuples souverains, par la renégociation du Pacte budgétaire, le changement de statut de la BCE, la réorientation de l’euro, etc., est une illusion totale. Craindre les coûts sociaux d’une implosion de l’euro pour justifier cette attitude, c’est croire qu’il suffit de changer les hommes politiques aux manettes pour sortir de la grande crise du capitalisme que nous vivons.
Nous appelons donc à refuser la politique de l’autruche et à promouvoir l’intensification des débats politiques ouverts. N’acceptez plus les débats aseptisés que certains vous proposent. Pour ce débat ouvert, nous sommes à votre disposition.

Les leçons de l'évolution récente des niveaux de vie en France

Comment ont évolué les inégalités de revenus en France ? Pour le préciser, je m’appuierai sur l’enquête annuelle de l’Insee dite ERFS (enquête sur les revenus fiscaux et sociaux). Elle n’est menée sous sa forme actuelle que depuis 2005 malheureusement : les enquêtes antérieures sont difficilement comparables lorsqu’on souhaite regarder les choses de près, en raison de différences importantes de méthodologie. En outre, les résultats de l’enquête 2011 ne sont connus que partiellement. D’où l’obligation d’ajuster la focale sur la période 2005-2010.

Durant cette période, le niveau de vie des ménages a progressé de 6 % une fois éliminés les effets de la hausse des prix. La taille du gâteau réparti entre l’ensemble des ménages a ainsi gonflé de 55 milliards d’euros[1]. Ce qui correspond à une augmentation moyenne du niveau de vie[2] mensuel de 107 euros par personne-  ou plus exactement par « unité de consommation » (U.C.)[3] . Mais, comme toujours, cette moyenne masque d’importants écarts. Lesquels ?
Le graphique ci-dessous le montre.



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Evolution  du  niveau de vie mensuel moyen entre 2005 et 2010 (en euros 2010)
Source : INSEE, enquêtes revenus fiscaux et sociaux, calculs de l’auteur
La progression a été d’autant plus forte que les personnes étaient plus riches : le dixième le plus pauvre a vu son niveau de vie progresser de 13 euros par mois, le vingtième le plus riche de la population l’a vu progresser de 654 euros : cinquante fois plus ! Le dixième le plus favorisé a capté à lui seul 40 % de la progression totale du niveau de vie, et le vingtième le plus riche 30 %
On peut illustrer cela autrement, en distinguant quatre groupes sociaux : les classes populaires, qui regroupent  les 40 % de la population dont le niveau de vie est inférieur à 1400 euros par mois (et par U.C.), les classes moyennes, qui regroupent les 50 % de la population dont le niveau de vie se situe entre 1400 et 3000 euros, les aisés, soit les 5 % de la population dont le niveau de vie se situe entre 3000 et 4000 euros, enfin, les riches, soit les 5 % de la population qui ont un niveau de vie supérieur à 4000 euros par mois et par U.C.[4]


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Répartition de la progression des niveaux de vie entre 2005 et 2010 (en milliards d’euros 2010)
Il est clair que les gagnants de la partie sont les riches : ces 5 % de la population ont ramassé 30 % des gains. Et que les perdants sont les classes populaires, qui, bien qu’elles comptent 40 % de la population, ont dû se contenter de 11 % des gains. En revanche, les classes moyennes (50 % de la population) ont relativement bien tiré leur épingle du jeu (50 % des gains) : elles ne sont pas les victimes que certains de ses représentants estiment être.
L’explication de cette déformation de la répartition en faveur des nantis est simple. Elle tient en deux mots : impôts et patrimoine. Malheureusement, les informations disponibles sur ces deux points ne permettent pas d’isoler les « riches » des « aisés ». On s’intéressera donc au dixième le plus favorisé, dont les gains ont atteint près de 22 milliards. Mais on peut estimer que, dans les chiffres qui suivent, comme dans les gains de niveau de vie, les « riches » ont capté au moins les trois quarts des montants indiqués.
Impôts, d’abord. En 2005, l’impôt sur le revenu absorbait 17,2 % du revenu imposable des personnes faisant partie du dixième le mieux loti. En 2009 (et sans doute en 2010), ce taux d’effort n’était plus que de 13,5 %, selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la progressivité des prélèvements sur les ménages. Mais il est vrai que, en 2010, les prélèvements sociaux sur ce type de revenus ont augmenté. Reste que le dixième le plus favorisé a ainsi économisé environ 4 milliards qui, au lieu d’atterrir dans la poche du fisc, sont restés dans celles des intéressés.
Le patrimoine constitue la deuxième - et principale - explication. Selon l’enquête ERFS, le dixième le plus favorisé des ménages a perçu en revenus du patrimoine (nets de CSG, CRDS et prélèvements sociaux) 41 milliards d’euros (en valeur 2010) en 2005, et 56 milliards en 2010. Soit un surplus de 15 milliards. C’est essentiellement cette manne financière qui a permis à l’ensemble des membres de ce dixième argenté de connaître une augmentation de leur niveau de vie sans commune mesure avec le reste de la population. Le vent du boulet de la crise les a épargnés, alors qu’il a frappé de plein fouet les classes populaires.
Une autre leçon de ces calculs, sur laquelle je n’insisterai pas, relève plutôt de la philosophie. En effet, lorsqu’on demande aux gens combien, à leur avis, il leur faudrait pour vivre mieux et ne plus tirer le diable par la queue, la majorité des réponses donnent un chiffre compris entre 100 et 200 euros. C’est dans cette fourchette que se sont situés les gains de la « classe moyenne » entre 2005 et 2010 : + 106 euros par U.C., soit 165 € par ménage en moyenne. Certes, dans cette « classe moyenne », les uns ont perçu davantage et d’autres moins. Mais les écarts mesurés restent néanmoins dans la fourchette citée plus haut. Or, à en croire les enquêtes d’opinion, le ressenti de cette « classe moyenne » est bien différent, puisque prévaut fortement l’idée qu’elles ont été sacrifiées. On peut en tirer la conclusion, que beaucoup, de plus en plus  tirent : le bien-être ne dépend pas de la croissance économique, mais d’un ensemble beaucoup plus diversifié de conditions : les conditions de travail, le chômage, la santé, des écoles de qualité, un logement correct. A fortiori, chez les riches, qui ont été les grands gagnants de cette demi-décennie, prévaut le sentiment du matraquage fiscal, et d’être les victimes d’une haine sociale suscitée par leur réussite. Refusant de voir que l’actuelle fiscalité, loin d’être punitive, vise à effacer des avantages fiscaux exorbitants et générateurs de conflits, ils soutiennent  que taxer les riches, c’est décourager le dynamisme économique et la création de richesses. Holà, Messeigneurs, c’est vous faire beaucoup d’honneur : n’oubliez jamais que, entre 2005 et 2010, la croissance économique annuelle moyenne a été inférieure à 1 %, soit le rythme le plus bas jamais connu en cinq ans par l’économie française depuis la création des comptes nationaux. Si la dynamique de vos revenus était l’indice du dynamisme économique, cela se verrait …

[1] L’enquête de l’Insee ne porte que sur la France métropolitaine, et elle exclut les ménages dont la personne de référence est étudiante ou dont le revenu est nul. Tous les chiffres de niveau de vie sont exprimés en euros 2010.[2]Pour la conversion des euros de chaque année en euros 2010,  les indices de prix à la consommation utilisés sont ceux que l’Insee calcule pour chaque dixième de revenu de la population.[3] Dans un ménage la première personne compte pour 1 U.C., les suivantes pour 0,5 U.C., sauf les enfants de moins de 14 ans (0,3 U.C.). Ces coefficients sont issus d’enquêtes de consommation qui mesurent le supplément de dépenses engendrées par une personne supplémentaire dans un ménage.[4] En moyenne, chaque ménage comprend 1,56 U.C.

Réforme des retraites : à quel âge partirez-vous et combien toucherez-vous selon votre profession ? - Capital.fr

Présenté en conseil des Ministres, le 18 septembre, le projet de réforme des retraites devrait être voté par le Parlement d'ici la fin de l'automne, pour s'appliquer dès le 1er janvier 2014. Quel sera son impact sur votre future pension ? A quel âge pourrez-vous décrocher si vous voulez toucher une retraite à taux plein ? Réponse métier par métier, génération par génération.

Non, la réforme des retraites ne sera pas indolore. En augmentant le nombre de trimestre – à raison d'un trimestre tous les trois ans à compter de 2020 – les pensions des futurs retraités vont bel et bien baisser. Pour savoir qui sera le plus affecté par cette cinquième réforme des retraites, Capital.fr a demandé au cabinet Optimaretraite de mesurer son impact pour chaque génération, dans neuf régimes différents (employés, cadres, cadres supérieurs, cadres dirigeants, consultant, avocats, médecins, commerçants, fonctionnaires) avec des niveaux de salaires et d'études variés. Pour établir ces comparaisons, nous sommes partis sur le principe que nous prendrons tous notre retraite à l'âge légal de 62 ans, ce qui mettra en avant le nombre de trimestres manquants et vous permettra ainsi de savoir combien de temps il vous faudra travailler en plus pour toucher une retraite à taux plein.
Le résultat est sans appel : les pensions des futures retraités vont baisser. Les employés et les fonctionnaires seront relativement épargnés quel que soit leur âge. Ils toucheront respectivement 65,13% et au pire 60,10% de leur dernier salaire lorsqu'ils prendront leur retraite. "Les employés ont généralement commencé tôt et sont donc peu impactés par un allongement de la durée de cotisation", commente Marc Darnault d'Optimaretraite.
Coup de massue en revanche pour les cadres qui empocheront chaque mois moins de la moitié de leur dernier revenu. "Comme ils sont entrés plus tard dans la vie active, ils subissent de plein fouet la décote appliquée, au nombre de trimestres manquants", explique cet expert. A titre d'exemple, il manquera 19 trimestres à un cadre dirigeant âgé de 40 ans aujourd'hui, s'il a commencé à travailler à 24 ans (hors jobs étudiant). Cela signifie qu'il devra travailler près de 5 ans au-delà de l'âge légal de la retraite pour toucher une pension à taux plein, soit jusqu'à 67 ans. Même constat pour le consultant de la quarantaine qui a débuté sa carrière à 26 ans, il gagnera à peine un cinquième de ses honoraires une fois à la retraite, compte tenu de la décote appliquée pour les 12 trimestres de cotisation qu'ils lui manquent. Soit à peine 12.582 euros par an s'il gagne actuellement 67.200 euros net annuel.
Et pourtant, malgré ces efforts à consentir, il est fort à parier que cette réforme ne suffira pas. Car François Hollande n'a pas osé toucher aux sacro-saints avantages des régimes spéciaux de la RATP, d'EDF ou encore de la Banque de France. Trop politiquement sensibles. Il n'a pas non plus entrepris sur une réforme de fond en misant sur une retraite à la carte et un mécanisme par points comme en Suède. Trop compliqué et trop long d'aligner 35 régimes différents pour une réforme promise avant la fin de l'année.
Contrairement à Sarkozy qui avait augmenté l'âge légal de départ à la retraite, le gouvernement Ayrault s'est donc contenté de jouer sur la durée de cotisation. A savoir, cette dernière sera allongée d'un trimestre tous les 3 ans à partir de 2020 pour terminer à 43 ans de cotisations en 2035. Cet allongement entraîne mécaniquement une baisse des pensions de retraite à cause du mécanisme de la décote calculée en fonction du nombre de trimestres manquants.
Dans l'hypothèse où vous prendrez votre retraite à l'âge légal de 62 ans, voici le montant de la pension que vous toucherez (régime de base + complémentaire) et le nombre de trimestres qu'il pourrait vous manquer pour toucher une pension à taux plein, selon la profession que vous exercez et l'âge que vous avez actuellement :
Dossier réalisé par Sandrine Chauvin