lundi 19 novembre 2012

Monde du travail: où est l'humain ?

L'article de Jack Dion sur Francis, postier suicidé dans le bureau de poste où il était employé, a engendré une discussion au sein des Mariannautes sur les conditions de travail en France jugées de plus en plus délétères

Qui est responsable de la dégringolade du moral chez les fonctionnaires ? Mister JYL, postier, témoigne :« Je suis fonctionnaire et il est absolument vrai que depuis que des managers non fonctionnaires ont pris le pouvoir à la Poste, l'ambiance est devenue détestable. Il n'y a plus de règles, plus de mémoire, mais du favoritisme, des passe-droits, des magouilles et du tripatouillage à tous les étages. » Les managers sont ainsi soupçonnés d'opérer un travail de sape : « En réalité ces gens-là ont été mis en place pour couler la boîte. Vider la Poste de sa substance et de son savoir-faire et de son éthique et en faire une marque dont l'activité est de plus en plus sous-traitée. » 

Gg KORAGE confirme : « La plupart les fonctionnaires ont à leur tête des technocrates qui sont pire que les marchands lorsque la privatisation pointe son nez car ils n'ont jamais eu de « culture d'entreprise », donc se rabattent uniquement sur celle du fric... Pauvre société, pauvre France, complètement écrasée par l'ultra-libéralisme européen soutenu évidemment sans réserve par les patrons et le Medef. » Le vrai coupable serait donc le système lui-même, qui exige toujours plus des employés chargés de faire monter les courbes quelles que soient les circonstances. 

La poste n'est pas la seule institution concernée, pas plus que les fonctionnaires ne sont les seuls employés à souffrir de cette évolution du monde de l'entreprise. Ainsi M P rapporte une expérience similaire : « A titre personnel, je suis en retraite depuis bientôt 2 ans et ce n'est qu'au moment de la recherche de ma remplaçante que j'ai intégré le peu de reconnaissance de mon travail (mon dernier emploi de secrétaire, 20 ans pour les mêmes employeurs et cela faisait deux ans que ma dernière demande d'augmentation de salaire n'avait eu aucune réponse) : j'ai compris que mon travail était un travail de petites mains et qu'il n'était pas compliqué ni fatigant, et en fin de compte, ma remplaçante a été embauchée à 80%, c'est dire combien je ne travaillais pas... Je suis donc partie sans me retourner et sans avoir pu former ma remplaçante qui galère beaucoup. » Les mêmes problèmes se retrouvent donc, avec en premier lieu une absence de reconnaissance du travail de l'employé et une gestion inhumaine de l'entreprise. 

Au fil des commentaires, l'on se souvient que le rapport au travail en tant que source de satisfaction et d’épanouissement personnel demeure l'un des points essentiels de la condition humaine. Lorsque celui-ci ne remplit plus son rôle, que l'employé se sent dévalorisé, invisible, inutile et/ou frustré, des cas tragiques comme celui du postier Francis, ou les suicidés de France Télécom, tendent à se multiplier. « Le cas du postier démontre une fois de plus que les nouvelles règles économiques frappent d'abord les plus fragiles », rappelle Dimitri GALèS

« OÙ EST L'HUMAIN ? OÙ EST LA VOLONTÉ DE COMPRENDRE ? » (...KIOSK)

Pour Nguyen TUAN, le travailleur est aujourd'hui réduit au simple rang d'unité de production : « Le travail est devenu le but, la finalité, et l'homme un moyen pour rendre le travail rentable. Cette philosophie là est d'essence américaine et elle s'est implantée subrepticement en France pour se concrétiser dans le regard que l'entreprise porte sur les employés. » Un regard que les témoignages de Mariannautes présentent comme froid, dénué d'affect. « Elle rejoint la philosophie des pays communistes totalitaires où les citoyens ne sont, aux yeux du Parti en place, que des simples numéros, des unités interchangeables, dénuées de valeur personnelle dans l'appareil de production et de consommation. Seul compte la structure, infra comme supra, le reste n'est que reflet automatique, mécanique. La conscience est un produit superfétatoire, il vaudrait mieux l'anesthésier une fois pour de bon. » Une vision orwellienne du monde du travail, où l'individu est nié au profit de l'entreprise. 

Conclusion de …KIOSK : « Que ce soit à La Poste, à France Télécom ou ailleurs, le personnel n'existe plus que sous la forme de tableaux Excel. Il n'y a plus de service du personnel, mais un service des Ressources Humaines, ressources par ailleurs transformées en charges dès qu'il est question de pognon. RH c'est Ressources Humaines, pas relations humaines !  Quand les pressions se font trop fortes, quand le système mis en place pour écœurer les agents a trop bien fonctionné, il arrive qu'un chiffre baisse d'une unité sur le tableau Excel des RH. Suicide. Suicide n'existe pas dans le paramétrage Excel, à la rubrique format des nombres. Les RH passent la main au CHSCT pour traiter le cas du DCD. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire