EMMANUEL LÉVY
Sur les autoroutes, ça roule pour eux. Les actionnaires des sociétés autoroutières siphonnent les automobilistes et l'Etat, qui leur a vendu à vil prix cette poule aux œufs d'or.
Plus fort encore que l'emprunt Giscard indexé sur l'or - une catastrophe pour les finances publiques ; plus insondable que le plan informatique des années 80, qui s'avérera un gouffre sans fond, la privatisation des autoroutes, finalisée en 2005 sous la présidence Chirac, figure déjà en tête du concours de « la plus mauvaise affaire jamais faite par l'Etat ». Un récent rapport de la Cour des comptes le confirme.
Il donne même une vision apocalyptique de la situation : l'Etat serait totalement démuni, déculotté, face à Vinci, Eiffage et Sanef, les trois principaux proprios des autoroutes hexagonales, installés tels les gras fermiers généraux de l'Ancien Régime sur leurs 9 000 km de concessions. Péages en hausse continuelle, explosion des bénéfices, prorogation quasi automatique des concessions. En laissant s'engraisser les rentiers de l'or gris, l'Etat régulateur fait peut-être pis encore que l'Etat propriétaire, qui leur avait cédé à vil prix les autoroutes en 2005. « Les conditions actuelles ne permettent pas de garantir que les intérêts des usagers et de l'Etat sont suffisamment pris en compte », euphémise Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes.
Comment cette situation a-t-elle pu perdurer ? Comment l'Etat a-t-il pu rester les bras ballants devant un tel détournement de l'argent du contribuable au profit d'intérêts privés ? Les profiteurs, on les connaît : ce sont les actionnaires de Vinci (ASF, Cofiroute, Escota), d'Eiffage (SAPN, APRR), les deux géants tricolores du BTP, et d'Albertis, leur cousin espagnol (Sanef présidé, on ne rit pas, par Alain Minc, grand promoteur de la privatisation). Le candidat Hollande avait promis d'y mettre fin. Aujourd'hui, il envisage de proroger la rente de trois ans...
Comme si le permanent lobbying des autoroutiers, parmi les plus efficaces, laissait les usagers à la merci de ceux qui s'engraissent à leurs dépens en pressurant l'affaire que ces mêmes usagers ont à l'origine financée. Autrement dit, tous les citoyens - automobilistes au pouvoir d'achat affaibli, salariés ou petits patrons d'entreprise dont les surcoûts de transport dégradent la compétitivité - doivent payer la note - salée.
Sur la route des vacances, au moment de franchir le péage autoroutier, le conducteur a toutes les raisons de sentir son portefeuille frétiller. Le sentiment de se faire détrousser s'installe. La martingale des profiteurs est en effet implacable. En moyenne, tous véhicules confondus, c'est 12,5 centimes qu'il faut cracher pour parcourir chacun des 9 000 km d'autoroutes payantes en concession. Pour les véhicules de tourisme, il faut compter jusqu'à 10,5 centimes en moyenne, contre 8,3 en 2005 (presque + 30 % !). Et cela monte jusqu'à 14,5 centimes pour aller de Chamonix à Chambéry (soit un ticket à 12,70 €). Presque deux fois le kilomètre pour le Paris-Lyon (7,23 centimes), par l'A6, section pourtant ultra-amortie.
De petits ruisseaux qui font d'immenses fleuves. Ensemble, ASF, Cofiroute, Sanef et consorts encaissent, dans l'année, 10,5 milliards d'euros. Une aubaine pour leurs actionnaires, les grands groupes de BTP, car chacun des kilomètres parcourus sur leur réseau génère en moyenne près de 2,57 centimes de bénéfice net...
Faites le calcul. Avec 83,8 milliards de kilomètres facturés, une manne de plus de 2 milliards tombe chaque année dans leurs poches, près de 43 % de plus qu'en 2005. A ce rythme-là, les 15 milliards payés en 2006 lors de la privatisation seront remboursés dans trois ans ! Et la poule aux œufs d'or est dans leur poulailler pour encore vingt longues années (au moins). Jusqu'en 2033.
Martingale ? Au moment où les autoroutiers font pression sur l'Etat pour proroger (une fois de plus) leur concession, le récent rapport de la Cour des comptes en décrypte les méthodes. Insensible à la baisse du trafic, le chiffre d'affaires des autoroutiers poursuit inlassablement sa progression. Bizarre. Donc, quand le trafic croît, c'est le Pérou. Côté coûts, les économies, elles, sont au rendez-vous. De la réduction des moyens affectés à l'entretien des chaussées jusqu'à l'automatisation à marche forcée des bornes de paiement qui permet de réduire les charges de personnel, tout est bon pour tirer un maximum des péages.
Sans compter que le temps joue pour eux : l'amortissement de nombreux tronçons allège chaque année le coût de leur endettement. Résultat mécanique : le chiffre d'affaires progresse trois fois plus vite que l'inflation, quand le bénéfice net, lui, met le turbo, avec une vitesse quatre fois supérieure à celle des prix.
Il donne même une vision apocalyptique de la situation : l'Etat serait totalement démuni, déculotté, face à Vinci, Eiffage et Sanef, les trois principaux proprios des autoroutes hexagonales, installés tels les gras fermiers généraux de l'Ancien Régime sur leurs 9 000 km de concessions. Péages en hausse continuelle, explosion des bénéfices, prorogation quasi automatique des concessions. En laissant s'engraisser les rentiers de l'or gris, l'Etat régulateur fait peut-être pis encore que l'Etat propriétaire, qui leur avait cédé à vil prix les autoroutes en 2005. « Les conditions actuelles ne permettent pas de garantir que les intérêts des usagers et de l'Etat sont suffisamment pris en compte », euphémise Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes.
Comment cette situation a-t-elle pu perdurer ? Comment l'Etat a-t-il pu rester les bras ballants devant un tel détournement de l'argent du contribuable au profit d'intérêts privés ? Les profiteurs, on les connaît : ce sont les actionnaires de Vinci (ASF, Cofiroute, Escota), d'Eiffage (SAPN, APRR), les deux géants tricolores du BTP, et d'Albertis, leur cousin espagnol (Sanef présidé, on ne rit pas, par Alain Minc, grand promoteur de la privatisation). Le candidat Hollande avait promis d'y mettre fin. Aujourd'hui, il envisage de proroger la rente de trois ans...
Comme si le permanent lobbying des autoroutiers, parmi les plus efficaces, laissait les usagers à la merci de ceux qui s'engraissent à leurs dépens en pressurant l'affaire que ces mêmes usagers ont à l'origine financée. Autrement dit, tous les citoyens - automobilistes au pouvoir d'achat affaibli, salariés ou petits patrons d'entreprise dont les surcoûts de transport dégradent la compétitivité - doivent payer la note - salée.
Sur la route des vacances, au moment de franchir le péage autoroutier, le conducteur a toutes les raisons de sentir son portefeuille frétiller. Le sentiment de se faire détrousser s'installe. La martingale des profiteurs est en effet implacable. En moyenne, tous véhicules confondus, c'est 12,5 centimes qu'il faut cracher pour parcourir chacun des 9 000 km d'autoroutes payantes en concession. Pour les véhicules de tourisme, il faut compter jusqu'à 10,5 centimes en moyenne, contre 8,3 en 2005 (presque + 30 % !). Et cela monte jusqu'à 14,5 centimes pour aller de Chamonix à Chambéry (soit un ticket à 12,70 €). Presque deux fois le kilomètre pour le Paris-Lyon (7,23 centimes), par l'A6, section pourtant ultra-amortie.
De petits ruisseaux qui font d'immenses fleuves. Ensemble, ASF, Cofiroute, Sanef et consorts encaissent, dans l'année, 10,5 milliards d'euros. Une aubaine pour leurs actionnaires, les grands groupes de BTP, car chacun des kilomètres parcourus sur leur réseau génère en moyenne près de 2,57 centimes de bénéfice net...
Faites le calcul. Avec 83,8 milliards de kilomètres facturés, une manne de plus de 2 milliards tombe chaque année dans leurs poches, près de 43 % de plus qu'en 2005. A ce rythme-là, les 15 milliards payés en 2006 lors de la privatisation seront remboursés dans trois ans ! Et la poule aux œufs d'or est dans leur poulailler pour encore vingt longues années (au moins). Jusqu'en 2033.
Martingale ? Au moment où les autoroutiers font pression sur l'Etat pour proroger (une fois de plus) leur concession, le récent rapport de la Cour des comptes en décrypte les méthodes. Insensible à la baisse du trafic, le chiffre d'affaires des autoroutiers poursuit inlassablement sa progression. Bizarre. Donc, quand le trafic croît, c'est le Pérou. Côté coûts, les économies, elles, sont au rendez-vous. De la réduction des moyens affectés à l'entretien des chaussées jusqu'à l'automatisation à marche forcée des bornes de paiement qui permet de réduire les charges de personnel, tout est bon pour tirer un maximum des péages.
Sans compter que le temps joue pour eux : l'amortissement de nombreux tronçons allège chaque année le coût de leur endettement. Résultat mécanique : le chiffre d'affaires progresse trois fois plus vite que l'inflation, quand le bénéfice net, lui, met le turbo, avec une vitesse quatre fois supérieure à celle des prix.
DES TARIFS TOUJOURS EN HAUSSE
« La vraie solution, c'est le gel des tarifs des péages. On sait bien le faire pour les salaires, alors pourquoi pas avec les compagnies autoroutières ? » Après des années de hausse continue, l'argument de Pierre Chasserey, président de l'association 40 millions d'automobilistes, a le mérite de la simplicité et de l'efficacité.
Sauf que ce n'est pas possible. Contractuellement, les autoroutiers ont le droit d'augmenter leurs tarifs d'au moins 70 % du montant de l'inflation. Vous avez bien lu : « d'au moins ». Mais, s'il y a un plancher, aucun plafond n'est en revanche prévu. De sorte que « l'Etat exclut lui-même tout gel, voire toute baisse », indique malicieusement Didier Migaud. Pourquoi le ministère des Transports - c'est-à-dire, en fait, la Direction des infrastructures de transport (DIT) - a-t-il consenti des hausses de tarifs allant bien au-delà de l'inflation (voir le graphique ci-dessus) ?
La réponse s'appelle « contrats de plan ». Signés pour cinq ans (on en est à la deuxième année), ils définissent les investissements d'« amélioration des réseaux » que s'engagent à réaliser les concessionnaires pour le bien-être supposé des usagers. Une belle promesse à laquelle la cour a du mal à croire : ou bien certains de ces travaux « relevaient des obligations normales des concessionnaires », ce qui ne devrait pas donner lieu à compensation, ou, pis encore, « l'Etat a accepté de compenser par des hausses de tarifs un grand nombre d'investissements de faible ampleur, dont l'utilité pour l'usager n'était pas toujours avérée ». Exprimés en termes diplomatiques, l'accusation est terrible. La multiplication des bornes d'arrêt sans péage - les « free flow », dans le langage autoroutier - illustrent jusqu'à la caricature cette dérive.
Ces investissements ultrarentables, qui boostent le résultat des autoroutiers en réduisant leur masse salariale, sont donc financés par les usagers eux-mêmes. Une belle mise en pratique du célèbre proverbe : « Donne-moi ta montre, je te donnerai l'heure. » Traduit dans le langage pudique de la Cour des comptes, cela donne : « Les bénéfices des sociétés concessionnaires n'ont pas à être réinvestis [donc ne l'ont pas été] dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Par construction, ce modèle ne peut qu'aboutir à une hausse constante et continue des tarifs »... Le rêve capitaliste : disposer des revenus, sans courir de risque.
Non contents d'être déjà gagnants-gagnants, les autoroutiers ont raffiné un peu plus encore l'entourloupe. Ils ont ajouté un étage à leur gros gâteau. Filiales de géants du BTP, ils réservent naturellement à leur maison mère l'essentiel de leur programme. Pardon ! Pourquoi se gêner ? « C'est une double rémunération, une première fois à travers les dividendes servis par les autoroutes, et une seconde via la surfacturation des travaux de la maison mère sur sa filiale », s'insurge Charles de Courson, le député UDI de la Marne. Et ça tombe bien, l'Etat n'a pas (ou ne se donne pas) les moyens de s'assurer que les obligations des autoroutiers inscrites dans les contrats de plan ont été pleinement remplies. Et, quand bien même, la pénalité maximale est riquiqui : 0,055 % de leur chiffre d'affaires ; bref, une piqûre de moustique sur la peau d'un éléphant.
Impossible non plus d'établir la réalité de la fin du foisonnement tarifaire, pourtant déclaré illégal en 2006. «Depuis 2011, il aurait disparu», s'interroge Didier Migaud. Difficile, pourtant, pour les autoroutiers de renoncer à ce système pernicieux d'optimisation de leurs recettes. En gros, il s'agit de respecter en moyenne l'augmentation fixée par l'Etat, tout en modulant les tarifs des tronçons selon leur fréquentation. Bref, d'amplifier la hausse légale. De sorte que 1 + 1 soit égal à plus de 2. Magique ? Non, mathématique.
Pour en apprécier l'ampleur, et aussi retourner la martingale à son profit, il suffit de sortir par une petite gare de péage pour revenir ensuite sur l'autoroute et finaliser son trajet. Une telle stratégie conduit parfois à payer moins cher le même trajet réalisé d'une seule traite. Ainsi, pour un Paris-Nantes, il faut compter 27,50 €. Mais, si l'on choisit de sortir puis de retourner sur l'autoroute en gare d'Ablis, la douloureuse tombe à 25,90 €.
Pratiquée trois fois sur ce trajet, cette technique permet d'économiser jusqu'à 3,90 €, soit 14 % du tarif direct (voir le site www.autoroute-eco.fr ). Un comble : en contrepartie de la disparition du foisonnement sur son réseau, Cofiroute a obtenu une compensation tarifaire de 234 millions d'euros pour la période 2011-2014.
Sauf que ce n'est pas possible. Contractuellement, les autoroutiers ont le droit d'augmenter leurs tarifs d'au moins 70 % du montant de l'inflation. Vous avez bien lu : « d'au moins ». Mais, s'il y a un plancher, aucun plafond n'est en revanche prévu. De sorte que « l'Etat exclut lui-même tout gel, voire toute baisse », indique malicieusement Didier Migaud. Pourquoi le ministère des Transports - c'est-à-dire, en fait, la Direction des infrastructures de transport (DIT) - a-t-il consenti des hausses de tarifs allant bien au-delà de l'inflation (voir le graphique ci-dessus) ?
La réponse s'appelle « contrats de plan ». Signés pour cinq ans (on en est à la deuxième année), ils définissent les investissements d'« amélioration des réseaux » que s'engagent à réaliser les concessionnaires pour le bien-être supposé des usagers. Une belle promesse à laquelle la cour a du mal à croire : ou bien certains de ces travaux « relevaient des obligations normales des concessionnaires », ce qui ne devrait pas donner lieu à compensation, ou, pis encore, « l'Etat a accepté de compenser par des hausses de tarifs un grand nombre d'investissements de faible ampleur, dont l'utilité pour l'usager n'était pas toujours avérée ». Exprimés en termes diplomatiques, l'accusation est terrible. La multiplication des bornes d'arrêt sans péage - les « free flow », dans le langage autoroutier - illustrent jusqu'à la caricature cette dérive.
Ces investissements ultrarentables, qui boostent le résultat des autoroutiers en réduisant leur masse salariale, sont donc financés par les usagers eux-mêmes. Une belle mise en pratique du célèbre proverbe : « Donne-moi ta montre, je te donnerai l'heure. » Traduit dans le langage pudique de la Cour des comptes, cela donne : « Les bénéfices des sociétés concessionnaires n'ont pas à être réinvestis [donc ne l'ont pas été] dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Par construction, ce modèle ne peut qu'aboutir à une hausse constante et continue des tarifs »... Le rêve capitaliste : disposer des revenus, sans courir de risque.
Non contents d'être déjà gagnants-gagnants, les autoroutiers ont raffiné un peu plus encore l'entourloupe. Ils ont ajouté un étage à leur gros gâteau. Filiales de géants du BTP, ils réservent naturellement à leur maison mère l'essentiel de leur programme. Pardon ! Pourquoi se gêner ? « C'est une double rémunération, une première fois à travers les dividendes servis par les autoroutes, et une seconde via la surfacturation des travaux de la maison mère sur sa filiale », s'insurge Charles de Courson, le député UDI de la Marne. Et ça tombe bien, l'Etat n'a pas (ou ne se donne pas) les moyens de s'assurer que les obligations des autoroutiers inscrites dans les contrats de plan ont été pleinement remplies. Et, quand bien même, la pénalité maximale est riquiqui : 0,055 % de leur chiffre d'affaires ; bref, une piqûre de moustique sur la peau d'un éléphant.
Impossible non plus d'établir la réalité de la fin du foisonnement tarifaire, pourtant déclaré illégal en 2006. «Depuis 2011, il aurait disparu», s'interroge Didier Migaud. Difficile, pourtant, pour les autoroutiers de renoncer à ce système pernicieux d'optimisation de leurs recettes. En gros, il s'agit de respecter en moyenne l'augmentation fixée par l'Etat, tout en modulant les tarifs des tronçons selon leur fréquentation. Bref, d'amplifier la hausse légale. De sorte que 1 + 1 soit égal à plus de 2. Magique ? Non, mathématique.
Pour en apprécier l'ampleur, et aussi retourner la martingale à son profit, il suffit de sortir par une petite gare de péage pour revenir ensuite sur l'autoroute et finaliser son trajet. Une telle stratégie conduit parfois à payer moins cher le même trajet réalisé d'une seule traite. Ainsi, pour un Paris-Nantes, il faut compter 27,50 €. Mais, si l'on choisit de sortir puis de retourner sur l'autoroute en gare d'Ablis, la douloureuse tombe à 25,90 €.
Pratiquée trois fois sur ce trajet, cette technique permet d'économiser jusqu'à 3,90 €, soit 14 % du tarif direct (voir le site www.autoroute-eco.fr ). Un comble : en contrepartie de la disparition du foisonnement sur son réseau, Cofiroute a obtenu une compensation tarifaire de 234 millions d'euros pour la période 2011-2014.
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LA RENTABILITÉ AU DÉTRIMENT DU SERVICE
Pour faire grossir la rentabilité de la machine à cash, les autoroutiers jouent sur deux autres leviers.
Primo, la réduction des personnels. Depuis la privatisation, le secteur a perdu plus de 20 % de ses effectifs, de sorte que, désormais, seulement 4 % des paiements sont réalisés via les traditionnelles petites cabines.
Secundo, une baisse générale de la qualité du service et de l'entretien du patrimoine, pourtant propriété de l'Etat et principale justification du péage pour les usagers. Une baisse dont les pouvoirs publics se refusent à prendre la pleine mesure. « Sur 503 visites de chantier en 2011, une seule a concerné la chaussée, qui a pourtant conduit à une mise en demeure », s'est inquiété Didier Migaud. Un seul contrôle ! Et il a permis de constater « d'importantes dégradations des chaussées [décollement du revêtement] sur des sections étendues du réseau ». Où passent donc les versements aux péages ?
Aussi, les équipes d'entretien, considérées comme un coût par les autoroutiers, ont été mises à contribution pour ramener du cash en gagnant des contrats de maintenance de... la voirie publique. Ce que résume Yannick Moné, délégué syndical central Unsa-Sanef : « Entre l'automatisation et la pyramide des âges, l'emploi est en chute libre dans le secteur, l'entretien du réseau public pèche aussi. Mais ce n'est pas tout. Les autoroutiers ont perçu une aubaine pour rentabiliser un peu plus leurs personnels. Ils facturent l'entretien des routes, leur balisage, parfois le salage des nationales. Quand ce n'est pas le complexe militaire de Metz, pris en charge par la Sanef ou l'aéroport de Beauvais. C'est devenu tellement fréquent que cela s'en ressent sur l'entretien de nos propres infrastructures. » On marche sur la tête...
A cette double démission de l'Etat à remplir son rôle de régulateur (c'est-à-dire de protection des usagers) et de préservation de son patrimoine s'en ajoute une troisième. Alors qu'il augmente partout les prélèvements obligatoires, l'Etat-seigneur, celui qui lève les impôts, fait montre d'une étrange mansuétude à l'égard de ces fermiers généraux modernes. «Il faut voir comment les sociétés concessionnaires se sont battues comme des lions pour limiter la hausse de la taxe domaniale, alors qu'il s'agissait de la passer de 200 millions à 400 millions d'euros.
Au final, malgré une hausse de seulement 100 millions, les autoroutiers menacent toujours de poursuivre devant le Conseil d'Etat. Ce qu'ils considèrent comme une grave remise en cause des conditions de la privatisation. Et le pire, c'est qu'ils risquent de gagner», s'énerve un responsable de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
Mais ce n'est pas tout, Christian Eckert, député PS de Meurthe-et-Moselle, est «furieux». Motif du courroux du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale ? «Le lobby insensé qu'ils ont mené pour ne pas être soumis à la fin de la déductibilité fiscale des frais financiers. Ils ont imposé au gouvernement un amendement qui nous a coûté 300 millions d'euros... dont la moitié pour les autoroutiers.»
Primo, la réduction des personnels. Depuis la privatisation, le secteur a perdu plus de 20 % de ses effectifs, de sorte que, désormais, seulement 4 % des paiements sont réalisés via les traditionnelles petites cabines.
Secundo, une baisse générale de la qualité du service et de l'entretien du patrimoine, pourtant propriété de l'Etat et principale justification du péage pour les usagers. Une baisse dont les pouvoirs publics se refusent à prendre la pleine mesure. « Sur 503 visites de chantier en 2011, une seule a concerné la chaussée, qui a pourtant conduit à une mise en demeure », s'est inquiété Didier Migaud. Un seul contrôle ! Et il a permis de constater « d'importantes dégradations des chaussées [décollement du revêtement] sur des sections étendues du réseau ». Où passent donc les versements aux péages ?
Aussi, les équipes d'entretien, considérées comme un coût par les autoroutiers, ont été mises à contribution pour ramener du cash en gagnant des contrats de maintenance de... la voirie publique. Ce que résume Yannick Moné, délégué syndical central Unsa-Sanef : « Entre l'automatisation et la pyramide des âges, l'emploi est en chute libre dans le secteur, l'entretien du réseau public pèche aussi. Mais ce n'est pas tout. Les autoroutiers ont perçu une aubaine pour rentabiliser un peu plus leurs personnels. Ils facturent l'entretien des routes, leur balisage, parfois le salage des nationales. Quand ce n'est pas le complexe militaire de Metz, pris en charge par la Sanef ou l'aéroport de Beauvais. C'est devenu tellement fréquent que cela s'en ressent sur l'entretien de nos propres infrastructures. » On marche sur la tête...
A cette double démission de l'Etat à remplir son rôle de régulateur (c'est-à-dire de protection des usagers) et de préservation de son patrimoine s'en ajoute une troisième. Alors qu'il augmente partout les prélèvements obligatoires, l'Etat-seigneur, celui qui lève les impôts, fait montre d'une étrange mansuétude à l'égard de ces fermiers généraux modernes. «Il faut voir comment les sociétés concessionnaires se sont battues comme des lions pour limiter la hausse de la taxe domaniale, alors qu'il s'agissait de la passer de 200 millions à 400 millions d'euros.
Au final, malgré une hausse de seulement 100 millions, les autoroutiers menacent toujours de poursuivre devant le Conseil d'Etat. Ce qu'ils considèrent comme une grave remise en cause des conditions de la privatisation. Et le pire, c'est qu'ils risquent de gagner», s'énerve un responsable de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
Mais ce n'est pas tout, Christian Eckert, député PS de Meurthe-et-Moselle, est «furieux». Motif du courroux du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale ? «Le lobby insensé qu'ils ont mené pour ne pas être soumis à la fin de la déductibilité fiscale des frais financiers. Ils ont imposé au gouvernement un amendement qui nous a coûté 300 millions d'euros... dont la moitié pour les autoroutiers.»
LE LOBBYING DES AUTOROUTIERS AU CŒUR DU POUVOIR
Les autoroutiers en rêvaient. Ils touchaient même au but. N'avaient-ils pas, il y a trois ans, obtenu de Jean-Louis Borloo, alors en charge des Transports et de l'Ecologie, une rallonge d'un an de leur concession, avec un argument aussi écologiquement correct que ravissant : le « verdissement » de leur business ? Une blague, évidemment, consistant surtout à installer des péages sans arrêt. Cette fois, ils ont convaincu son successeur, Frédéric Cuvillier, moyennant 3,5 milliards de travaux d'infrastructure, de rallonger la sauce de trois ans.
En réalité, le discret ministre ne fait que relayer le feu vert de l'Elysée : «Ils ont vendu au plus haut niveau le projet "pétrole contre nourriture" appliqué aux routes, c'est-à-dire des années de concession supplémentaires contre des milliards de travaux. La filière corrézienne a joué à plein sa proximité avec le président Hollande via le très chiraquien Bernard Val, l'ex-patron d'ASF, dont il est encore administrateur», explique un haut fonctionnaire de Bercy.
A la mi-mars, l'affaire était dans le sac. «Pour les autoroutes, j'ai demandé au ministre des Transports de négocier avec les sociétés concessionnaires pour que des travaux puissent être engagés et donc que l'économie nationale puisse en être bénéficiaire», assure François Hollande alors qu'il inaugure le pont Chaban-Delmas, à Bordeaux. Pour le président, le bénéfice de ce «troc» est triple : réaliser les infrastructures demandées par les élus locaux, les faire payer par les autoroutiers, et enfin relancer l'activité en France, avec des milliers d'emplois à la clé. De son côté, Vinci a fait le tour des popotes des élus locaux, histoire de faire monter la pression. Chacun d'entre eux ayant son petit projet de bout d'autoroute, ils n'ont pas été bien difficiles à convaincre. Ainsi de Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes, qui fait carrément de la retape pour l'allongement des concessions : «Pourquoi pas, si cela peut financer le tronçon qui permet de finaliser l'A51 ?» - dans sa circo, bien sûr...
Qu'importe le deal léonin, avec un prix sous-évalué : cela a marché en 2005 lors de la privatisation, alors pourquoi pas aujourd'hui ? Après tout, rien n'a changé, au contraire. La disette d'argent public est encore plus prégnante et les caisses des autoroutiers, elles, regorgent du cash de nos péages. De quoi leur permettre d'imposer un rapport de force. Un peu trop, d'ailleurs, à l'image de Pierre Coppey, l'intransigeant patron de Vinci Autoroutes, qui «s'est cru tout permis», rapporte un négociateur pour l'Etat. «Ils ont été trop gourmands. L'administration n'a pas d'argent, mais elle a le pouvoir de freiner. C'est ce qu'elle a fait. Il s'en est fallu de peu pour que Jean-Marc Ayrault ne donne son feu vert et annonce la prorogation de trois ans dans son discours du 9 juillet dernier», poursuit notre homme. Trop gourmand ?
Les 3,5 milliards d'euros d'investissements qu'ils promettaient de prendre à leur charge, comme le bouclage de la Francilienne (2,5 milliards), ne pèsent pas lourd face aux bénéfices induits par trois années d'exploitation : l'équivalent de 8 milliards d'euros d'aujourd'hui (lire l'encadré)...
« C'était à deux doigts de passer», confirme Olivier Faure, député PS de la Seine-et-Marne. Ce parlementaire, réputé proche du Premier ministre, est précisément celui qui a commandé le rapport à la Cour des comptes sur les relations entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Et, au regard des conclusions au vitriol des magistrats de la Rue Cambon, l'exécutif a été bien inspiré d'attendre encore un peu avant de donner suite aux demandes pressantes des autoroutiers. «C'était politiquement délicat... » reconnaît Olivier Faure.
Question de calendrier, en somme. Les autoroutiers n'ont plus qu'à faire le dos rond ! Ils ont deux atouts maîtres dans leur poche : le temps et l'argent... Ce n'est que partie remise.
En réalité, le discret ministre ne fait que relayer le feu vert de l'Elysée : «Ils ont vendu au plus haut niveau le projet "pétrole contre nourriture" appliqué aux routes, c'est-à-dire des années de concession supplémentaires contre des milliards de travaux. La filière corrézienne a joué à plein sa proximité avec le président Hollande via le très chiraquien Bernard Val, l'ex-patron d'ASF, dont il est encore administrateur», explique un haut fonctionnaire de Bercy.
A la mi-mars, l'affaire était dans le sac. «Pour les autoroutes, j'ai demandé au ministre des Transports de négocier avec les sociétés concessionnaires pour que des travaux puissent être engagés et donc que l'économie nationale puisse en être bénéficiaire», assure François Hollande alors qu'il inaugure le pont Chaban-Delmas, à Bordeaux. Pour le président, le bénéfice de ce «troc» est triple : réaliser les infrastructures demandées par les élus locaux, les faire payer par les autoroutiers, et enfin relancer l'activité en France, avec des milliers d'emplois à la clé. De son côté, Vinci a fait le tour des popotes des élus locaux, histoire de faire monter la pression. Chacun d'entre eux ayant son petit projet de bout d'autoroute, ils n'ont pas été bien difficiles à convaincre. Ainsi de Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes, qui fait carrément de la retape pour l'allongement des concessions : «Pourquoi pas, si cela peut financer le tronçon qui permet de finaliser l'A51 ?» - dans sa circo, bien sûr...
Qu'importe le deal léonin, avec un prix sous-évalué : cela a marché en 2005 lors de la privatisation, alors pourquoi pas aujourd'hui ? Après tout, rien n'a changé, au contraire. La disette d'argent public est encore plus prégnante et les caisses des autoroutiers, elles, regorgent du cash de nos péages. De quoi leur permettre d'imposer un rapport de force. Un peu trop, d'ailleurs, à l'image de Pierre Coppey, l'intransigeant patron de Vinci Autoroutes, qui «s'est cru tout permis», rapporte un négociateur pour l'Etat. «Ils ont été trop gourmands. L'administration n'a pas d'argent, mais elle a le pouvoir de freiner. C'est ce qu'elle a fait. Il s'en est fallu de peu pour que Jean-Marc Ayrault ne donne son feu vert et annonce la prorogation de trois ans dans son discours du 9 juillet dernier», poursuit notre homme. Trop gourmand ?
Les 3,5 milliards d'euros d'investissements qu'ils promettaient de prendre à leur charge, comme le bouclage de la Francilienne (2,5 milliards), ne pèsent pas lourd face aux bénéfices induits par trois années d'exploitation : l'équivalent de 8 milliards d'euros d'aujourd'hui (lire l'encadré)...
« C'était à deux doigts de passer», confirme Olivier Faure, député PS de la Seine-et-Marne. Ce parlementaire, réputé proche du Premier ministre, est précisément celui qui a commandé le rapport à la Cour des comptes sur les relations entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Et, au regard des conclusions au vitriol des magistrats de la Rue Cambon, l'exécutif a été bien inspiré d'attendre encore un peu avant de donner suite aux demandes pressantes des autoroutiers. «C'était politiquement délicat... » reconnaît Olivier Faure.
Question de calendrier, en somme. Les autoroutiers n'ont plus qu'à faire le dos rond ! Ils ont deux atouts maîtres dans leur poche : le temps et l'argent... Ce n'est que partie remise.
VINCI TOUCHE DE PARTOUT
Pour Vinci, désormais roi des concessions (autoroutes, parkings, aéroports), les bonnes nouvelles s'amoncellent. Dernière en date : l'accès au Système d'immatriculation des véhicules (SIV) du ministère de l'Intérieur. Une victoire pour les concessionnaires d'autoroutes, comme ASF qui pourront envoyer directement la douloureuse aux fraudeurs des péages, sans passer par la case tribunal. «C'est bon pour récupérer 2 millions de passages. Mais, à plus long terme, les sociétés visent la gestion du stationnement en voirie et le péage urbain, comme à Londres», décrypte Yannick Moné, délégué Unsa à la Sanef.
Et, justement, la récente dépénalisation des PV, votée à l'unanimité au Sénat, est en passe d'ouvrir grandes les portes de ce nouvel eldorado.
Déjà leader dans le concessions de parkings souterrains, le groupe Vinci rêve d'étendre son empire aux centaines de milliers de places en surface et d'empocher les 500 millions d'euros que générent les horodateurs. Mieux gérés, ce que Vinci sait faire justement, ils pourraient cracher jusqu'à 2,4 milliards d'euros. Ne reste plus qu'à «convaincre» les automobilistes de lâcher leur petite monnaie. C'est là que la réforme de la dépénalisation des PV prend tout son sens. Désormais, les maires pourraient moduler le tarif des prunes. Jusqu'à 36 € pour Paris. Et comme il n'est plus besoin d'être assermenté pour les dresser, la prune pourrait très bien être cueillie directement par Vinci, ses agents ou ses caméras. Couplé avec l'accès direct aux plaques d'immatriculation, le cocktail risque d'être aussi explosif pour le portefeuille des automobilistes qu'enivrant pour celui des actionnaires de Vinci.
Et aussi :
- 450 millions d'euros : dès 2014, avec la mise en place de la taxe écolo sur les routes nationales, des centaines de milliers de poids lourds emprunteront les péages des autoroutiers. Ces 450 millions sont à 95 % de la marge pure, la moitié ira chez Vinci.
- Fin juin, Vinci a mis la main sur 3,7 % du capital de l'Etat dans Aéroports de Paris (ADP). A cette date, le groupe détient désormais 8 % d'ADP, et s'impose un peu plus comme le candidat naturel pour une privatisation totale.
Pour Vinci, désormais roi des concessions (autoroutes, parkings, aéroports), les bonnes nouvelles s'amoncellent. Dernière en date : l'accès au Système d'immatriculation des véhicules (SIV) du ministère de l'Intérieur. Une victoire pour les concessionnaires d'autoroutes, comme ASF qui pourront envoyer directement la douloureuse aux fraudeurs des péages, sans passer par la case tribunal. «C'est bon pour récupérer 2 millions de passages. Mais, à plus long terme, les sociétés visent la gestion du stationnement en voirie et le péage urbain, comme à Londres», décrypte Yannick Moné, délégué Unsa à la Sanef.
Et, justement, la récente dépénalisation des PV, votée à l'unanimité au Sénat, est en passe d'ouvrir grandes les portes de ce nouvel eldorado.
Déjà leader dans le concessions de parkings souterrains, le groupe Vinci rêve d'étendre son empire aux centaines de milliers de places en surface et d'empocher les 500 millions d'euros que générent les horodateurs. Mieux gérés, ce que Vinci sait faire justement, ils pourraient cracher jusqu'à 2,4 milliards d'euros. Ne reste plus qu'à «convaincre» les automobilistes de lâcher leur petite monnaie. C'est là que la réforme de la dépénalisation des PV prend tout son sens. Désormais, les maires pourraient moduler le tarif des prunes. Jusqu'à 36 € pour Paris. Et comme il n'est plus besoin d'être assermenté pour les dresser, la prune pourrait très bien être cueillie directement par Vinci, ses agents ou ses caméras. Couplé avec l'accès direct aux plaques d'immatriculation, le cocktail risque d'être aussi explosif pour le portefeuille des automobilistes qu'enivrant pour celui des actionnaires de Vinci.
Et aussi :
- 450 millions d'euros : dès 2014, avec la mise en place de la taxe écolo sur les routes nationales, des centaines de milliers de poids lourds emprunteront les péages des autoroutiers. Ces 450 millions sont à 95 % de la marge pure, la moitié ira chez Vinci.
- Fin juin, Vinci a mis la main sur 3,7 % du capital de l'Etat dans Aéroports de Paris (ADP). A cette date, le groupe détient désormais 8 % d'ADP, et s'impose un peu plus comme le candidat naturel pour une privatisation totale.
LA PROROGATION DE TROIS ANS : LA NOUVELLE ARNAQUE...
« A la fin de sa période de concession, le 31 décembre 2033, ASF devrait réaliser 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit entre 2 et 3 milliards d'euros de bénéfices... chaque année. Si on proroge de trois ans, ces milliards de 2033 équivalent à 2 milliards d'euros d'aujourd'hui », explique un analyste d'Aurel BGC. Comme ASF pèse un tiers du secteur, notre analyste nous dit donc que trois ans de concession supplémentaire généreront une vingtaine de milliards entre 2034 et 2037, soit l'équivalent de 6,5 milliards d'aujourd'hui. On est loin des chiffres sur lesquelles les autoroutiers négocient avec l'Etat.
Pour eux, le «troc» doit se faire sur la base du précédent : le verdissement des autoroutes : un an de prolongation, 1 milliard de travaux. Trois ans donnent donc 3,5 milliards d'euros. CQFD, moitié moins que les 6,5 milliards de notre analyste. Mais même cette estimation pourrait se révéler en deça de la main. « L'activité des autoroutes est sans risque. La preuve : même quand le trafic recul, leur chiffre d'affaires comme leurs bénéfices progressent. S'ils s'effondrent, c'est qu'il n'y a plus d'économie en France... comme une catastrophe nucléaire », nous confie un éminent membre de la Cour des comptes. Pas de risque ?
Les investisseurs sont aussi de cet avis : quand ASF s'endette, elle le fait selon un taux d'intérêt proche de celui de l'Etat, encore récemment à 2,875 % pour un emprunt de dix ans. Cela veut aussi dire que si ASF et ses consœurs voulaient échanger la vingtaine de milliards qu'elles recevraient dans vingt ans contre du cash aujourd'hui, le «marché» les lui troquerait contre 11 milliards... A l'Etat de ne pas se faire avoir une seconde fois.
En 2005 quand la décision de privatiser a été prise, c'est sur la foi d'un rapport parlementaire que les députés ont voté cette braderie à vil prix. On pouvait y lire que les bénéfices prévus des autoroutiers (alors publics) devraient être de 900 millions d'euros en 2012... plus de deux fois moins que ce qu'ils ont réellement rapporté à leurs actionnaires privés l'année dernière. Arnaque, vous avez dit arnaque ?
« A la fin de sa période de concession, le 31 décembre 2033, ASF devrait réaliser 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit entre 2 et 3 milliards d'euros de bénéfices... chaque année. Si on proroge de trois ans, ces milliards de 2033 équivalent à 2 milliards d'euros d'aujourd'hui », explique un analyste d'Aurel BGC. Comme ASF pèse un tiers du secteur, notre analyste nous dit donc que trois ans de concession supplémentaire généreront une vingtaine de milliards entre 2034 et 2037, soit l'équivalent de 6,5 milliards d'aujourd'hui. On est loin des chiffres sur lesquelles les autoroutiers négocient avec l'Etat.
Pour eux, le «troc» doit se faire sur la base du précédent : le verdissement des autoroutes : un an de prolongation, 1 milliard de travaux. Trois ans donnent donc 3,5 milliards d'euros. CQFD, moitié moins que les 6,5 milliards de notre analyste. Mais même cette estimation pourrait se révéler en deça de la main. « L'activité des autoroutes est sans risque. La preuve : même quand le trafic recul, leur chiffre d'affaires comme leurs bénéfices progressent. S'ils s'effondrent, c'est qu'il n'y a plus d'économie en France... comme une catastrophe nucléaire », nous confie un éminent membre de la Cour des comptes. Pas de risque ?
Les investisseurs sont aussi de cet avis : quand ASF s'endette, elle le fait selon un taux d'intérêt proche de celui de l'Etat, encore récemment à 2,875 % pour un emprunt de dix ans. Cela veut aussi dire que si ASF et ses consœurs voulaient échanger la vingtaine de milliards qu'elles recevraient dans vingt ans contre du cash aujourd'hui, le «marché» les lui troquerait contre 11 milliards... A l'Etat de ne pas se faire avoir une seconde fois.
En 2005 quand la décision de privatiser a été prise, c'est sur la foi d'un rapport parlementaire que les députés ont voté cette braderie à vil prix. On pouvait y lire que les bénéfices prévus des autoroutiers (alors publics) devraient être de 900 millions d'euros en 2012... plus de deux fois moins que ce qu'ils ont réellement rapporté à leurs actionnaires privés l'année dernière. Arnaque, vous avez dit arnaque ?
Article publié dans le numéro 851 du magazine Marianne
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