mardi 29 octobre 2013

Ce que gagnent vraiment les pauvres

Ce que gagnent vraiment les pauvres

Du salaire des cadres, on nous rebat les oreilles. Celui des pauvres ne provoque que silence et indifférence. C'est une armée de l'ombre composée de quelque 8 millions d'individus. Comment vivent-ils ? Gros plan sur quelques-uns de ces oubliés de la République.



ÉRIC, KIOSQUIER 

4,50 € de l'heure 

Eric Ayani est kiosquier à Paris depuis quinze ans. Il a d'abord pris une échoppe dans le XVIIIe. Puis une autre dans le XVIIe, avant d'atterrir en juillet 2012 devant le no 1 du boulevard des Capucines, dans le VIIIe. Une place de choix, pensait-il, entre l'Opéra et les grands magasins, haut lieu touristique. Las. «Ici, c'est très agréable, dit-il, en parcourant d'un regard circulaire la grande place qui entoure son kiosque. Mais mon chiffre d'affaires ne représente que 30 % de celui que je réalisais boulevard Malesherbes...» Lequel chiffre d'affaires n'était déjà plus très fameux. «La vente de la presse est en baisse partout. Je pensais qu'avec les touristes je vendrais des journaux étrangers, mais tout le monde regarde les infos sur Internet», regrette Eric Ayani, qui termine chaque mois avec juste de quoi faire bouillir la marmite. Mais pas question de lâcher prise. Il s'active seul de 9 heures à 22 heures, sept jours sur sept, et vient d'acheter un store à 3 000 € pour agrandir la surface et vendre cartes postales, sacs et tee-shirt griffés Paris, magnets, minitours Eiffel et boissons fraîches. «Le frigo, c'est Coca qui nous l'a offert», rit-il. Avec ce bric-à-brac pour touristes, il espère «gagner 1 500 € par mois», après avoir payé le loyer, le téléphone, le comptable, sa Sécurité sociale, Internet et l'électricité... et trimé 13 heures par jour. 

ALAIN, 55 ANS, COUVREUR 

5 € de l'heure 

Le 13 septembre dernier, Alain Jouin, couvreur, n'a pas hésité à rejoindre la manifestation inédite des artisans du BTP en colère contre la hausse de la TVA et la concurrence déloyale qui leur pique les clients. Comme beaucoup de ses collègues du bâtiment, sa trésorerie est à sec, il court après les chantiers. Et, pour couronner le tout, l'Urssaf lui réclame 6 000 € qu'il n'a pas et refuse d'échelonner sa dette. «Je ne gagne rien, lâche-t-il. J'ai même du mal à payer ma décennale [assurance professionnelle].» Couvreur depuis l'âge de 16 ans, Alain s'est mis à son compte en 1996. Depuis dix-sept ans, il se lève à 6 heures, grimpe sur les toits dès 7 heures, et remballe le matériel dans sa petite camionnette vers 18 heures-18 h 30. «Au début je me payais l'équivalent de 1 200 € par mois.» Mais petit à petit Alain s'appauvrit. Les banques ne lui prêtent plus et les clients sont de plus en plus exigeants. Pour se payer correctement - il fait ses comptes -, il faudrait «dans l'idéal» qu'il réalise un chiffre d'affaires de 10 000 € par mois. Et là, notre couvreur est loin du compte. «Avec le chantier que je termine, j'ai juste une avance de 3 000 €. Après, j'ai quatre volets roulants à poser pour 4 000 €. Mais il faut enlever 2 000 € de camelote ! Je suis stressé pour la fin du mois...» 

GÉRALDINE, 40 ANS AUXILIAIRE DE VIE

750 € net/mois 

Géraldine est auxiliaire de vie à La Baule depuis bientôt dix ans. Elle travaille 100 heures par mois, gagne 9,73 € brut de l'heure, 30 centimes de plus que le Smic horaire, mais seulement 750 € net par mois. «Je suis à temps partiel, mais en réalité je suis disponible 5 jours sur 7 de 8 h 30 à 20 h 30 et un week-end sur deux payé 8 € de plus.» 

Seules les heures effectivement passées auprès des «clients» lui sont rémunérées. Pas un sou de plus pour les heures creuses, ces entre-deux, où elle doit rester disponible en cas d'urgence, ni pour le temps passé à courir de l'un à l'autre, surtout le matin pour «faire les toilettes» et le soir pour surveiller le coucher. C'est un travail fatigant, très physique et très prenant moralement. On a des parkinson, des alzheimer, des personnes très malades ou en fin de vie, explique-t-elle. Alors quand je reçois ma petite paie, je suis un peu révoltée. Mais que voulez-vous, ici, il y a si peu de travail.» 

L'intégralité du dossier Ce que gagnent vraiment les pauvres à lire dans Marianne n°860 

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