ANNE FRETEL*
S’il y a des emplois vacants, c’est de la faute des chômeurs qui ne veulent pas travailler ou qui ne sont pas assez formés. Est-ce si simple ?
C’est presque devenu une ritournelle : quand le chômage augmente, la question des emplois vacants est mise sur le devant de la scène et, de façon plus ou moins implicite, le comportement des demandeurs d’emploi est montré du doigt. Lors d’une intervention télévisée le 24 avril 2008, Nicolas Sarkozy avait ainsi déclaré : « il y a 500 000 offres d’emploi qui ne sont pas satisfaites avec 1,9 million de chômeurs, l’immense majorité des chômeurs essayent de trouver un emploi, mais certains ne veulent pas se mettre au travail, c’est une minorité qui choque ».
Plus récemment, lors de l’ouverture de la deuxième conférence sociale des 20 et 21 juin derniers François Hollande soulignait : « nous avons à regarder une réalité, elle n’est pas nouvelle. Il y a à peu près de 200 000 à 300 000 recrutements qui sont entamés, puis abandonnés, parce qu’il n’y a pas de candidats suffisamment qualifiés par rapport aux emplois qui sont proposés. ». L’analyse a le mérite d’être simple : s’il y a des emplois vacants, c’est de la faute des chômeurs qui ne veulent pas travailler ou, dans la version plus « soft » de 2013, qui ne sont pas assez formés. Est-ce si simple ?
Pour éclairer ce débat – et sortir d’un certain nombre d’idées reçues – on peut s’appuyer, à condition de le lire entre les lignes, sur le dernier rapport du COE (Conseil d’orientation de l’emploi) intitulé « Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement »1.
Plus récemment, lors de l’ouverture de la deuxième conférence sociale des 20 et 21 juin derniers François Hollande soulignait : « nous avons à regarder une réalité, elle n’est pas nouvelle. Il y a à peu près de 200 000 à 300 000 recrutements qui sont entamés, puis abandonnés, parce qu’il n’y a pas de candidats suffisamment qualifiés par rapport aux emplois qui sont proposés. ». L’analyse a le mérite d’être simple : s’il y a des emplois vacants, c’est de la faute des chômeurs qui ne veulent pas travailler ou, dans la version plus « soft » de 2013, qui ne sont pas assez formés. Est-ce si simple ?
Pour éclairer ce débat – et sortir d’un certain nombre d’idées reçues – on peut s’appuyer, à condition de le lire entre les lignes, sur le dernier rapport du COE (Conseil d’orientation de l’emploi) intitulé « Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement »1.
EMPLOIS VACANTS ET DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT NE SONT PAS SYNONYMES
Comme le précise d’emblée le rapport « les termes d’emplois vacants, d’offres non pourvues, de difficultés de recrutement ou de métiers en tension sont généralement utilisés de manière indifférenciée, alors même qu’ils recouvrent des réalités très différentes » (p.8). En effet, un emploi vacant désigne, selon la définition d’Eurostat, un poste rémunéré nouvellement créé, inoccupé ou sur le point de devenir vacant pour lequel, d’une part, l'employeur entreprend activement de chercher, en dehors de l'entreprise, un candidat et, d’autre part, qu'il a l'intention de pourvoir immédiatement ou dans un délai déterminé.
En ce sens, l’existence d’emplois vacants reflète le fonctionnement « normal » du marché du travail où les ajustements ne sont pas instantanés. On ne peut donc pas conclure à des difficultés structurelles du marché du travail du fait de l’existence d’emplois vacants.
Bien que cherchant à démontrer cette piste, le COE n’y parvient d’ailleurs pas, si ce n’est à grand renfort d’hypothèses théoriques fortes (celle du déplacement de la courbe de Beveridge) et à l’appui de formules prudentes « cela semble révéler des difficultés de nature structurelle » pour finalement conclure : « le niveau des emplois vacants ne donne pas d’information précise sur la nature et l’ampleur de ces difficultés, non seulement parce que les indicateurs portant sur les emplois vacants (issus de l’enquête ACEMO) ne sont pas encore assez robustes, mais aussi parce qu’il est normal dans une économie saine et dynamique qu’un nombre relativement élevé d’emplois vacants existe de manière permanente. Une analyse plus fine des difficultés structurelles actuelles doit alors être menée sur la base de l’observation des difficultés de recrutement des entreprises et des durées de recrutement » (p. 41).
En ce sens, l’existence d’emplois vacants reflète le fonctionnement « normal » du marché du travail où les ajustements ne sont pas instantanés. On ne peut donc pas conclure à des difficultés structurelles du marché du travail du fait de l’existence d’emplois vacants.
Bien que cherchant à démontrer cette piste, le COE n’y parvient d’ailleurs pas, si ce n’est à grand renfort d’hypothèses théoriques fortes (celle du déplacement de la courbe de Beveridge) et à l’appui de formules prudentes « cela semble révéler des difficultés de nature structurelle » pour finalement conclure : « le niveau des emplois vacants ne donne pas d’information précise sur la nature et l’ampleur de ces difficultés, non seulement parce que les indicateurs portant sur les emplois vacants (issus de l’enquête ACEMO) ne sont pas encore assez robustes, mais aussi parce qu’il est normal dans une économie saine et dynamique qu’un nombre relativement élevé d’emplois vacants existe de manière permanente. Une analyse plus fine des difficultés structurelles actuelles doit alors être menée sur la base de l’observation des difficultés de recrutement des entreprises et des durées de recrutement » (p. 41).
REGARDER DU CÔTÉ DES EMPLOYEURS POUR COMPRENDRE LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT
Si l’on suit cette piste, regarder du côté des entreprises pour mieux comprendre les difficultés de recrutement, qu’apprend-on ? En premier lieu qu’il ne faut pas confondre échec de recrutement et difficultés de recrutement. On peut estimer selon différentes sources (Enquête OFER et observatoire TEC du Médef) que l’on a environ 300 000 échecs de recrutement par an. Ce qui, rapporté aux 21 millions de recrutements annuels dans le secteur privé hors intérim, représente moins de 2% des recrutements effectués.
Pour autant un recrutement qui aboutit peut être difficile. Cela toucherait entre un quart et un tiers des recrutements en CDI (même ordre de grandeur selon les différentes sources). Ces difficultés de recrutement seraient pour le COE le signe de problèmes structurels (p. 64). Soit. Mais reste à définir lesquels. Le rapport alors souligne la grande variété des difficultés de recrutement selon les métiers et les territoires, concluant que « bien appréhender la complexité de ce phénomène est essentiel pour éviter les explications globalisantes qui risqueraient de conduire à des solutions partielles voire inadaptées » (p. 112). On peut y voir un premier pas permettant de sortir du registre de discours du type « la faute aux chômeurs » très fréquemment avancé.
Le déficit d’attractivité de certains métiers, la saisonnalité d’une activité, la dimension géographique de l’emploi, l’inadéquation entre les compétences attendues par les recruteurs et celles disponibles, sont autant de causes rappelées des difficultés de recrutement. Tous ces critères sont alors passés en revue et, en dépit d’un certain nombre de dogmes que le COE ne peut s’empêcher de mobiliser, l’institution est obligée de conclure :
Pour autant un recrutement qui aboutit peut être difficile. Cela toucherait entre un quart et un tiers des recrutements en CDI (même ordre de grandeur selon les différentes sources). Ces difficultés de recrutement seraient pour le COE le signe de problèmes structurels (p. 64). Soit. Mais reste à définir lesquels. Le rapport alors souligne la grande variété des difficultés de recrutement selon les métiers et les territoires, concluant que « bien appréhender la complexité de ce phénomène est essentiel pour éviter les explications globalisantes qui risqueraient de conduire à des solutions partielles voire inadaptées » (p. 112). On peut y voir un premier pas permettant de sortir du registre de discours du type « la faute aux chômeurs » très fréquemment avancé.
Le déficit d’attractivité de certains métiers, la saisonnalité d’une activité, la dimension géographique de l’emploi, l’inadéquation entre les compétences attendues par les recruteurs et celles disponibles, sont autant de causes rappelées des difficultés de recrutement. Tous ces critères sont alors passés en revue et, en dépit d’un certain nombre de dogmes que le COE ne peut s’empêcher de mobiliser, l’institution est obligée de conclure :
1/ « qu’il n’y a pas de corrélation générale entre difficultés de recrutement d’une part et faibles niveaux de salaires ou conditions de travail difficiles d’autre part » (p. 134) ;
2/ que l’indemnisation du chômage ne peut être considérée comme une source de moindre attractivité d’un emploi du fait du salaire de réserve qu’elle impose car « il faut prendre en compte que le travail est également un facteur d’épanouissement personnel d’une part et d’intégration sociale d’autre part » (p. 145). Reste alors la question de l’inadéquation des compétences de la population active aux exigences des employeurs. Hollande aurait-il raison ? Les chômeurs ne seraient-ils pas assez formés ?
2/ que l’indemnisation du chômage ne peut être considérée comme une source de moindre attractivité d’un emploi du fait du salaire de réserve qu’elle impose car « il faut prendre en compte que le travail est également un facteur d’épanouissement personnel d’une part et d’intégration sociale d’autre part » (p. 145). Reste alors la question de l’inadéquation des compétences de la population active aux exigences des employeurs. Hollande aurait-il raison ? Les chômeurs ne seraient-ils pas assez formés ?
LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT : UN PROBLÈME DE...
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