À la différence des gens qui se prennent les pieds dans le tapis du « choc de compétitivité » (et Jean-Marc Ayrault n’est pas le seul concerné), Christophe Barbier, lui, file son chemin tel un Mousquetaire en partance pour une nouvelle aventure. L’éditorial que publie cette semaine le directeur de « L’Express » s’intitule tout simplement « Éloge du choc ».
Oui, le « choc » tout seul. Pour l’homme qui murmure à l’oreille de Laurence Parisot, la compétitivité n’est qu’un vil prétexte pour justifier le choc social dont on rêve dans les salons parisiens.
Quel est donc le programme que propose le petit soldat Barbier ? La « baisse des charges sociales », la hausse de la CSG, l’application de la « TVA dite sociale » dont rêvait Sarkozy, la « flexibilité du travail » (comme si elle n’existait pas), la révision des prestations sociales, la fin de l’État-Providence, le « coup de pied aux fesses » contre « l’assistanat ». Bref, un traitement de choc - un vrai – qui serait le pâle héritage d’une donation cosignée par Margaret Thatcher et Ronald Reagan.
À en croire le Savonarole de Saint-Germain des Prés, cette petite cure d’amaigrissement est nécessaire car « le pays a besoin, pour retrouver le goût de l’effort, d’un choc psychique, d’une secousse électropolitique apte à réveiller cette énergie vitale des peuples qui s’appelle l’ambition ». Fin de la péroraison pour cœur fragile ayant trouvé refuge dans le triangle d’or de la capitale.
Telle est la réalité nationale vue de la planète où vit Barbier (plutôt pas mal, d’ailleurs, merci pour lui). Pour lui, la France n’est qu’un pays de planqués et de fainéants, de faux chômeurs et de vrais truqueurs, de petits esprits indifférents aux défis contemporains, de gens étroits ayant perdu le sens de l’engagement, de traitres à la patrie en danger, d’âmes mortes rétives à la mondialisation. Il faut donc les réveiller à la schlague. D’où la question posée en conclusion de son prêche : « Il faut un président de choc : François Hollande répondra-t-il présent ? »
Passons sur la morgue et la suffisance du petit marquis de la médiacratie. Oublions le mépris vis-à-vis de ceux qui vivent le choc de la vie au quotidien. Contentons-nous de méditer cette dernière phrase, car elle a le mérite de mettre en lumière la grande question de l’heure : le gouvernement va-t-il céder au non à la fronde des nantis et à la jacquerie des privilégiés ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette affaire née du rapport Gallois et du débat ubuesque sur la « compétitivité ». À force de tergiverser, d’hésiter, de reculer, de lâcher du lest et de ne pas savoir sur quel pied danser, le gouvernement s’est laissé enfermer dans le piège dressé par la coalition des forces conservatrices, où l’on retrouve les « pigeons », les vautours du Medef, les rapaces de l’Ump, sans oublier les oiseaux de plumes à la Barbier, qui rêvent du Sarkozysme sans Sarkozy, parfois rejoints par les petits moineaux médiatiques de la social-démocratie résignée.
Ce front antipopulaire de type inédit entend profiter de la crise et de ses conséquences pour faire plier François Hollande et le contraindre à ranger au rayon des vieilleries ses velléités de remettre un peu de justice et d’efficacité dans l’ordre économique et social. L’arête de la taxe de 75% sur les plus riches, aussi symbolique soit-elle, leur est restée au travers de la gorge. Ils veulent un retour rapide aux « fondamentaux » du néolibéralisme. Ils instrumentalisent le rapport Gallois pour tenter d’imposer à la hussarde un virage austéritaire qui serait à la fois un Waterloo économique (la rigueur forcée ne ferait qu’aggraver le risque de récession et donc les difficultés budgétaires) et une Bérézina politique pour la gauche.
L’avantage du billet de Christophe Barbier, c’est qu’il permet de connaître le plan de bataille des néo-cons à la française. La stratégie du camp d’en face est moins claire, et c’est tout le problème.
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