De gauche à droite : Jean Pierre Clamadieu( president du comite exécutif de Solvay-Rhodia), Serge Weinberg (president du comite d'aministration de Sanof)i, Pierre Pringuet (president de l'AFEP et DG de Pernod Ricard), Robert Brunck (president du conseil d'aministration de CGG de Veritas), et Gilles Michel (pdg de d'Imerys) - DESSONS ERIC/JDD/SIPA
Par les temps qui courent, il n’y en a, décidément, que pour les grands patrons. Un jour, ce sont les « pigeons » qui tiennent les médias en haleine. Le lendemain, c’est l’Association française des entreprises privées (Afep), véritable QG du CAC 40, qui fait la une des gazettes. Et c’est comme un feu roulant. Avec toujours les mêmes sommations et les mêmes menaces : vite, allégez nos impôts et nos charges ! Au besoin, transférez-en une partie sur les ménages et les salariés. Vite ! Obtempérez ! Sinon la France va sombrer...
Alors, comme un antidote à ces formidables campagnes de communication, sans doute faut-il avoir à l’esprit les souffrances sociales qui s’accumulent dans le pays et qui ne profitent pas d’aussi puissants relais médiatiques. Non pas pour esquiver le débat sur la compétitivité – il est légitime. Mais pour en mesurer certains des enjeux : en pleine crise, le moment est-il bien venu d’imposer au pays une nouvelle cure d’austérité, avec à la clef un transfert de charges historique, de 30 à 40 milliards d’euros, ou un nouveau tour de vis sur les dépenses publiques ?
Au nombre de ces souffrances sociales, il y a d’abord évidemment le chômage qui, nourri par des rafales ininterrompues de plans sociaux, atteint, de mois en mois, de nouveaux sommets. Plus de 3 millions de demandeurs d’emploi au titre de la catégorie A, la plus restrictive ; plus de 5 millions toutes catégories confondues : la France va dépasser dans les prochains mois les niveaux records qu’elle avait atteints lors de la récession de 1993.
Et, selon tous les experts, le séisme social se poursuivra en 2013. Il y a encore la pauvreté, qui malheureusement ne profite pas d’indicateurs mensuels – et dont, du même coup, on parle moins, sauf quand les intempéries rendent ces souffrances plus visibles –, mais qui à l’évidence s’insinue partout et gagne sans cesse du terrain. Selon l’Insee, il y avait ainsi 8,2 millions de pauvres en 2009, puis 8,6 millions en 2010. Et si la statistique publique ne va pas au-delà, il n’est guère difficile de deviner de quelle manière la tendance s’est prolongée : environ 9 millions de pauvres en 2011 et au moins 9,4 millions en 2012. Bref, la France se rapproche de la barre terrible des 10 millions de pauvres.
Et, selon tous les experts, le séisme social se poursuivra en 2013. Il y a encore la pauvreté, qui malheureusement ne profite pas d’indicateurs mensuels – et dont, du même coup, on parle moins, sauf quand les intempéries rendent ces souffrances plus visibles –, mais qui à l’évidence s’insinue partout et gagne sans cesse du terrain. Selon l’Insee, il y avait ainsi 8,2 millions de pauvres en 2009, puis 8,6 millions en 2010. Et si la statistique publique ne va pas au-delà, il n’est guère difficile de deviner de quelle manière la tendance s’est prolongée : environ 9 millions de pauvres en 2011 et au moins 9,4 millions en 2012. Bref, la France se rapproche de la barre terrible des 10 millions de pauvres.
Et si c’est le cas, c’est que la hausse du chômage vient se cumuler à un effondrement du pouvoir d’achat. Sur ce front, c’est le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observa- tion des conditions de vie) qui a publié dans la période récente l’étude la plus accablante : il a révélé que le pouvoir d’achat par ménage, après avoir baissé de 0,2 % en 2010 et de 0,5 % en 2011, pourrait s’effondrer de 1,2 % aussi bien en 2012 qu’en 2013 – ce qui serait sans précédent depuis 1984.
La tendance est d’autant plus impressionnante que le niveau de vie des Français est déjà très bas. Dans leur froideur, ce sont les chiffres de l’Insee qui le confirment, puisque le niveau de vie dit « médian » (50 % des ménages ont moins que cela) ne dépassait pas 1 610 e€ par mois en 2010 – on ne dispose malheureusement pas de statistique plus récente et cela en dit long sur la façon dont la France conduit sa politique sociale à l’aveugle.
La tendance est d’autant plus impressionnante que le niveau de vie des Français est déjà très bas. Dans leur froideur, ce sont les chiffres de l’Insee qui le confirment, puisque le niveau de vie dit « médian » (50 % des ménages ont moins que cela) ne dépassait pas 1 610 e€ par mois en 2010 – on ne dispose malheureusement pas de statistique plus récente et cela en dit long sur la façon dont la France conduit sa politique sociale à l’aveugle.
Et, à tous ces chiffres, il faudrait en agréger de nombreux autres pour disposer d’un état des lieux à peu près complet des souffrances sociales que la crise avive. Il faudrait prendre aussi en compte les 3,6 millions de Français qui, selon la Fondation Abbé-Pierre, sont très mal logés ou pas logés du tout et les 10 millions qui sont touchés à des degrés divers par la crise du logement. Sans parler des 47 % de Français qui ne partent jamais en vacances parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Ni de ceux qui ont de plus en plus de mal à se soigner, avec un reste à charge (ce que ni l’assurance maladie ni les complémentaires santé ne remboursent) qui ne cesse de pro- gresser, pour frôler maintenant les 10 % des dépenses de soin.
Nul misérabilisme dans tous ces constats ! Ceux-là n’ont pas pour objet d’éluder le débat sur la compétitivité, dont le gouvernement et les milieux patronaux font, actuellement, si grand cas. Mais ils permettent au moins de replacer le débat du moment dans sa vraie perspective : sans doute la France est-elle aujourd’hui dans une situation d’urgence économique ; mais elle est tout autant, sinon plus, dans une situation d’urgence sociale. Et rien ne justifie que la première de ces urgences ne fasse oublier la seconde. Ou qu’elle commande l’action publique au détriment de la seconde.
Et c’est là l’hypocrisie des campagnes patronales sur le sujet. Car le transfert de charges massif que préconise l’Afep – et qui divise le gouvernement jusque dans son sein – est révélateur de l’égoïsme social dont font souvent preuve les milieux d’affaires français. Rétifs à toute idée d’effort partagé, ceux-ci privilégient trop souvent une autre idée du partage. Pourquoi faire payer les riches ? Faisons payer les pauvres, ils sont beaucoup plus nombreux ! Pourquoi faire payer les entre- prises ? Faisons payer les salariés, autant qu’il est possible...
Etrange conception du pacte social. Paraphrasant la belle formule de Marx au sujet du capitalisme, on en vient à penser que les cercles dominants du patronat français ont décidément la fâcheuse habitude de « noyer toutes choses dans les eaux glacées du calcul égoïste ».
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