samedi 14 avril 2012, par
Le chômage et la précarité ont été jusqu’ici les thèmes oubliés de la campagne présidentielle. Alors qu’il s’agit des préoccupations prioritaires des Français. De la part de Sarkozy cela se comprend aisément, puisque durant son mandat le nombre de demandeurs d’emploi inscrits dans les catégories A, B et C aura augmenté de 1 million 200 000 !
Toutes les réformes de Sarkozy et de l’UMP ont augmenté le chômage
Certes le chômage a augmenté dans tous les pays. Mais Sarkozy a réussi la performance d’imposer 5 « grandes réformes » qui toutes ont contribué à l’augmentation du chômage. Qu’on en juge :
- poursuite du démantèlement des lois sur la réduction du temps de travail qui avaient permis, entre 1998 et 2002, la création de 400 000 emplois. Voir « Deux millions de salariés corvéables à merci, à cause du contrat de travail en jours »
- incitation à recourir aux heures supplémentaires en les exonérant d’impôt et de cotisations sociales. Résultat : 4 milliards de recettes en moins pour l’Etat et 400 000 chômeurs en plus ! La preuve dans « Il n’y a jamais eu autant d’heures sup’ qu’aujourd’hui… »
- suppression de toutes les règles destinées à limiter le cumul emploi retraite. Voir la pétition "Le cumul emploi retraite doit de nouveau être encadré"
- report à 62 ans de l’âge légal de la retraite et à 67 ans de celui donnant droit à une retraite à taux plein. Autant de postes qui ne seront pas libérés pour les demandeurs d’emploi
- remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Alors que chaque famille constate aujourd’hui le manque de personnel à l’école, à l’hôpital, dans la justice, pour la prévention des risques, des maladies et de la délinquance …
Aujourd’hui Sarkozy tente de vendre aux Français une revendication très ancienne du MEDEF : les accords compétitivité emploi. Cette stratégie des accords de compétitivité emploi conduirait inéluctablement à une augmentation du chômage. Les premiers accords qui seraient signés enclencheraient un processus généralisé de dumping social. Soit par augmentation du temps de travail à salaire inchangé (donc réduction du nombre d’emplois). Soit par baisse des salaires à durée du travail inchangée (donc réduction du pouvoir d’achat et de la consommation). Même les entreprises se refusant, dans un premier temps, à se lancer dans de telles régressions sociales y seraient bientôt contraintes par leurs concurrents qui n’auraient pas eu ces scrupules et auraient ainsi baissé leurs coûts de revient.
Quelles sont les différentes mesures qui permettraient le retour au plein emploi ?
Réfléchissons avec notre tête. Et surtout pas avec celles de la vingtaine d’ « experts, chroniqueurs ou lobbyistes » qui se relaient dans les grands médias pour nous expliquer les causes de la crise … qu’aucun parmi eux n’a jamais vu venir. Rangeons les mesures de nature à faire reculer le chômage en 3 grandes catégories. On pourrait bien entendu les ranger différemment et définir 10 ou 15 catégories.
Catégorie 1 : toutes les mesures déjà mises en œuvre depuis 20 ans ou régulièrement proposées
- celles destinées à booster la croissance
- celles destinées à baisser le coût du travail
- celles destinées à améliorer la formation professionnelle
- tous les systèmes d’aides ou d’incitation : aides à la création d’entreprise, à la recherche, aux PME, aux filières d’avenir (économies d’énergie, reconversion énergétique, économie numérique, économie de la connaissance …)
Catégorie 2 : toutes les nouvelles mesures de bon sens proposées aujourd’hui, mais qui seront longues et difficiles à mettre en œuvre en raison des oppositions, des idéologies et égoïsmes de toute nature
- celles destinées à restreindre les délocalisations, à encourager le produire en France, à taxer les produits importés de pays ne respectant pas des normes sociales et environnementales minimales, …
- celles destinées à renforcer la coopération européenne, à faire baisser l’euro surévalué, …
- celles destinées à mettre au pas la finance et la spéculation, à supprimer les paradis fiscaux …
- celles destinées à réduire et plafonner les profits distribués, c’est-à-dire les dividendes. Personne ne pouvant contester que la maximisation des dividendes a toujours pour corollaire, quelle que soit l’entreprise et son éthique, la minimisation du nombre d’emplois
Catégorie 3 : les mesures de solidarité et de bon sens permettant de proposer un emploi à toute personne ayant besoin d’un salaire pour vivre
- celles de nature à inciter très fortement les entreprises à un partage négocié du temps de travail favorable à l’emploi
Les mesures de la catégorie 3 sont de nature différente de celles des catégories 1 et 2. Elles se justifieront aussi longtemps que les mesures des catégories 1 et 2 n’auront pas permis d’éradiquer le chômage de masse. D’où leur qualificatif de mesures de « solidarité ». Comme les allocations de chômage ou les restos du cœur, on pourra s’en passer le jour où les mesures des catégories 1 et 2 permettront de proposer à tout citoyen un emploi, un revenu de substitution … ou le « salaire continué » théorisé depuis longtemps par Bernard Friot (voirhttp://www.reseau-salariat.info/)
Depuis 30 ans, les gouvernements de droite comme de gauche, dans tous les pays, se sont généralement opposés aux mesures relevant de la catégorie 3. Soit par idéologie, soit sous la pression des lobbies (MEDEF etc …). Résultat : 30 ans de chômage de masse, de précarité et d’inégalités grandissantes. C’est à l’aune de ces faits que les électeurs devraient juger les propositions des candidats.
Les propositions de François Hollande peuvent-elles faire reculer significativement le chômage ?
Aucune mesure relevant de la catégorie 3. De plus, en déclarant vouloir privilégier le contrat sur la loi, Hollande s’est dangereusement rapproché de la philosophie qui inspire les accords de compétitivité emploi prônés par Sarkozy et le MEDEF. Examinons rapidement quelques propositions contenues dans le programme de Hollande :
- le « contrat de génération » … une opération de communication totalement inapplicable
- « 150 000 emplois d’avenir » … ça donne un peu d’espoir à 150 000 jeunes, ça les sort de l’oisiveté, ça consiste à changer le pansement au lieu de penser le changement
- « 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation … sans augmenter le nombre total de fonctionnaires » … bilan : aucune création nette d’emplois
Quand il y a 5 millions de demandeurs d’emploi, ces 3 propositions et quelques autres n’ont aucune chance de faire reculer le chômage de manière significative. Certes Hollande et le PS nous promettent le retour à plus de croissance. Cette éternelle incantation à une hypothétique croissance suffisamment forte pour faire reculer durablement le chômage est une duperie complète des citoyens. Puisque la croissance moyenne ne cesse de décroître depuis 3 décennies, comme Pierre Larrouturou (ex dirigeant du PS) ne cesse de le répéter dans tous ses livres et conférences. Premièrement la croissance ne se décrète pas. Deuxièmement, dans un monde fini, la croissance ne peut pas se poursuivre éternellement. Surtout lorsque plusieurs milliards d’individus exigent légitimement leur part des ressources énergétiques et des matières premières de la planète et de notre écosystème déjà bien mal en point.
Des dizaines d’économistes sérieux ont démontré, faits et chiffres à l’appui, pourquoi il faudra de moins en moins compter sur la croissance pour faire reculer le chômage. Citons 3 contributions très pertinentes de Jean-Marie Harribey, Jean Gadrey et Pierre Larrouturou, parmi celles des dizaines d’économistes que les énarques du PS se sont toujours refusés à écouter.
« Questions à nos élu(e)s actuels et futurs sur la croissance et la post-croissance » de Jean Gadrey
Chaque citoyen a aussi un devoir de responsabilité et d’information
« La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde » disait Paul Valéry.
C’est la raison pour laquelle, chaque citoyen a le devoir de faire des efforts pour s’informer à des sources sérieuses. S’il veut contribuer à préparer, pour ses enfants et petits-enfants, un monde avec moins de chômage et de précarité, un monde avec plus de solidarité et de justice. Par exemple en commençant par lire les 3 contributions indiquées ci-dessus. Puis en lisant 2 ou 3 livres parmi ceux proposés à http://www.retraites-enjeux-debats....
Résumé et conclusions
- en matière de chômage, Sarkozy est sans conteste le capitaine du Titanic. Si Hollande ne veut pas, dans 2 ans, être confirmé dans le grade de capitaine de pédalo par les 5 millions de demandeurs d’emploi et leurs familles, lui et les dirigeants du PS devraient enfin tenir compte des analyses et mises en garde des économistes qui eux, en posant les bons diagnostics, avaient vu venir la crise
- il faut appeler un chat un chat. Ceux qui prétendent que le partage du temps de travail serait dangereux ou impossible sont soit ignorants, soit malhonnêtes. Même un enfant du CM2 comprend que le chômage de masse et la précarité actuelles constituent un partage du temps de travail. Mais un partage imposé, violent et injustifiable qu’il faudra bien un jour remplacer par un partage négocié et organisé
- le chômage ne pourra être éradiqué, que lorsque une majorité de citoyens aura exigé et obtenu un partage du temps de travail, aussi longtemps que les autres mesures se seront révélées insuffisantes. En mai et juin 2012, les électeurs soucieux de l’avenir de leurs enfants et petits-enfants devraient lire attentivement les propositions des candidats et des partis. Ils s’apercevront que 2 forces politiques seulement, Europe Ecologie Les Verts et le Front de Gauche, ont le courage de proposer la solidarité que constitue le partage négocié et organisé du temps de travail
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