Le problème du gentil, c'est qu'il ne sait pas dire non. Face à un chef exigeant, c'est pourtant parfois une question de survie.
La scène se passe en France, au siège régional d'une banque. Un cadre débarque dans le bureau de son directeur et lui tire une balle en plein cœur. Puis il abat froidement son adjoint. Sorti début octobre au cinéma, le film «De bon matin» s'inspire de l'histoire vraie d'un quinquagénaire sans histoire (joué par Jean-Pierre Darrousin), bon camarade et manager apprécié, conduit au stade ultime de la violence par un patron qui l'accable et finit par le placardiser.
Sans aller juqu'au meurtre, beaucoup de cadres se laissent sombrer dans la dépression lorsqu'ils sont confrontés à un manager trop exigeant. Bref, pour éviter le drame, mieux vaut apprendre à dire non. «Etre bienveillant tout en restant ferme, voilà le secret d'une relation équilibrée», souligne Anne-Marie Cariou, consultante chez Stimulus. Le plus incroyable ? Votre chef vous en sera reconnaissant !
Opposez-vous à ses exigences quand elles sont excessives
La pile de vos dossiers urgents ressemble à la tour de Pise, et votre patron décide de vous envoyer en province pour un déplacement de dernière minute. Vous savez pertinemment que c'est votre prochain week-end qui vient d'être sacrifié… Pourtant, vous n'avez pas bronché. Par loyauté ? Par crainte de perdre la confiance de votre boss ? Par peur du conflit ? «Le principal problème des gentils, c'est qu'ils ne savent pas dire non, affirme Robert Zuili, cofondateur du cabinet Excelia. C'est un comportement contre-productif, car à force de surmenage, on risque soit le burn-out, soit la boulette.»
Jeune cadre d'un groupe aéronautique, Damien a attendu de frôler la dépression pour réagir. Nommé responsable Web à 30 ans, il voit rapidement sa promotion tourner au cauchemar. En l'espace d'un an, il hérite d'une nouvelle activité très prenante et deux de ses trois collaborateurs quittent le service. Le travail s'accumule, il perd le sommeil… Jusqu'à ce jour d'avril 2011 où son médecin lui prescrit un arrêt de travail de trois semaines. «Il a fallu en arriver là pour que mon chef m'accorde un renfort.» Depuis, Damien a changé son comportement : «Je suis plus ferme quand il s'agit de défendre mon territoire. Du coup, j'obtiens plus de choses qu'avant !»
Pour que votre «non» soit efficace, vous devez néanmoins respecter quelques règles. «La difficulté, c'est d'exprimer ce qu'on ressent sans remettre son supérieur en cause», souligne Anne-Marie Cariou. Soyez clair : commencez par un refus net, puis étayez-le avec des arguments strictement professionnels. N'hésitez pas à permettre à votre manager de reprendre son rôle, en lui proposant par exemple d'arbitrer entre vos priorités : «Y a-t-il un sujet sur lequel tu estimes que je peux prendre du retard ?»
Face à ses sautes d'humeur, tenez-vous-en aux faits
Difficile de rester calme lorsque votre chef déboule en furie dans votre bureau. Il faut pourtant respecter cette règle d'or : ne jamais répondre à l'agressivité par l'agressivité, afin d'éviter l'escalade de la violence. «Une personne en colère est une personne en panique, décrypte Juliette Tournand, coach et auteur de "La Stratégie de la bienveillance" (InterEditions). Demandez-lui où elle veut en venir, afin de pouvoir vraiment répondre à son problème.»
C'est ainsi qu'a réagi Sonia, une chef de pub, lorsque le directeur de la création de son agence est venu l'accuser des pires maux : «Sa colère rendait son discours confus, mais j'ai fini par comprendre qu'il me reprochait d'avoir transmis des infos à notre PDG sur une de nos campagnes en préparation.» Sauf que le PDG en question était venu lui-même demander ces informations à Sonia, qui n'avait pas eu d'autre choix que de s'exécuter. «Lorsqu'il m'a finalement entendue, sa colère est retombée net», se souvient la jeune femme.
«Choisir la clarté est toujours payant», confirme Pascal Vancutsem. L'expérience de Charlotte, coordinatrice dans une structure événementielle, en témoigne : «Ma responsable, très anxieuse, peut passer par des phases extrêmement agressives. Dans ces moments-là, je reste droite dans mes bottes et je réponds alors à ses interrogations de manière précise, car la moindre incertitude de ma part alimenterait sa panique. J'essaie aussi de me persuader que, même si elle est parfois éprouvante, cette agressivité n'est pas dirigée contre moi.»
Refusez de vous laisser "mettre au placard"
«En entreprise, les "gentils" se retrouvent souvent sous-employés», avertit la coach Juliette Tournand. Ou voient passer les autres devant eux. Commercial dans un labo pharmaceutique, Antoine avait été approché par son patron pour prendre un poste de directeur régional des ventes. Mais un soir, un collègue moins qualifié lui révèle qu'on lui a attribué ce poste. «Au lieu de me battre, j'ai entériné le choix de mon supérieur.» Résultat : Antoine a dû attendre deux ans avant de voir se représenter une opportunité. «Les patrons à qui l'on n'oppose jamais de résistance ont tendance à sous-estimer leurs interlocuteurs», analyse Roberto Cirillo, DG de Sodexo France.
Charlotte, la coordinatrice dans une structure événementielle, ne dira pas le contraire. Depuis qu'elle a claqué la porte d'une réunion où sa responsable s'était montrée particulièrement agressive, ses fonctions ont été renforcées. «C'est comme si, en réagissant, je l'avais rassurée», souligne-t-elle. Alors, n'hésitez plus : vous aussi, rééduquez votre chef !
Laure Cailloce
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