Jordan Pouille, reporter à La Vie, a plongé dans le quotidien des ouvriers de Foxconn, comparé à « un camp de concentration » dans un rapport d’universitaires chinois : les dortoirs grillagés pour empêcher de nouvelles vagues de suicides, la masse des ouvriers se rendant dans le plus grand atelier du monde, un faux-dortoir qui cache une église clandestine...
Profiter de tout sans limite, sans scrupule, sans souci, sans éthique, sans honte, etc. Voilà ce que nous devons combattre.
lundi 31 décembre 2012
Aux USA...la légalité laisse à réflécir
vendredi 28 décembre 2012
Retour aux temps anciens de la charité publique
LAURENT MAUDUIT*
C’est une menace très grave qui pèse sur le Smic. Non pas seulement parce que le gouvernement a décidé de le majorer le moins possible et de jouer la carte de l’austérité salariale, mais pour une raison plus profonde, que la presse n’a pas relevée : parce que l’Elysée rêve de pouvoir un jour le contourner au profit du revenu de solidarité active (RSA). Et cette montée en puissance programmée du RSA au détriment du Smic est un projet qui modifie radicalement la philosophie de la politique sociale française. Pour comprendre ce qui est en gestation, il faut d’abord se souvenir des passes d’armes de la campagne présidentielle.
Au début du mois de janvier 2012, quand il révèle son projet, le candidat socialiste prend ses distances sur de nombreux points avec le programme élaboré par son propre parti, au printemps précédent. Alors que la plate-forme du PS a consigné noir sur blanc l’impérieuse nécessité de donner un « coup de pouce » au salaire minimum, François Hollande
refuse ainsi de reprendre cette mesure à son compte.
A l’époque, il se garde d’expliquer les raisons de ce choix, mais ceux qui le connaissent savent à quoi s’en tenir : de longue date, François Hollande a des préventions contre le Smic. En quelque sorte, il a lui aussi été contaminé par la célèbre thèse (pour le moins discutable) de la « préférence française pour le chômage » – défendue en d’autres temps par Denis Olivennes et Alain Minc – selon laquelle des salaires trop élevés feraient le lit du chômage. Mais, dans le feu de la campagne, face notamment à Jean-Luc Mélenchon qui a fait du Smic l’un de ses principaux chevaux de bataille, François Hollande a du mal à tenir sa position. Alors, du bout des lèvres, il finit par consentir qu’en cas de victoire il pourrait faire un geste sur le Smic. Un petit geste.
Et de la parole aux actes ! En juin, le gouvernement annonce donc que le Smic sera revalorisé de 2 % au 1er juillet suivant, soit 1,4 % au titre de l’indexation automatique, et 0,6 % au titre du « coup de pouce » facultatif que la loi autorise. Seulement 0,6 %, c’est-à-dire... une misère ! Cela représente tout juste 20 centimes par jour, alors que, à chaque alternance, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont procédé à des hausses de deux à trois fois plus élevées. Cette simple mesure vient confirmer que François Hollande est totalement en arrière de la main.
En faut-il une preuve supplémentaire ? Le gouvernement vient de l’administrer. Car il a annoncé que, pour le 1er janvier 2013, le Smic ne sera plus majoré que du montant de l’inflation. Soit seulement 0,3 % (9,43 € brut l’heure). Plus de « coup de pouce », même dérisoire ! Plus de largesses, même en forme d’aumône : le gouvernement affiche désormais clairement son cap, celui de l’austérité salariale.
L’austérité pourrait même se renforcer, car le gouvernement semble désireux, maintenant, de modifier les règles du jeu. Un groupe d’experts a en effet été chargé voilà quelques mois de tracer des pistes de réformes possibles. Et il vient de faire connaître le fruit de ses réflexions. Pour le court terme, les « têtes d’œuf » ont recommandé d’exclure tout« coup de pouce » et de réviser les modalités d’indexation – deux recommandations aussitôt appliquées par Matignon. Mais, pour le plus long terme, les propositions de réformes sont encore plus explosives. Entre autres idées, ces experts suggèrent d’avancer à terme vers des Smic selon l’âge des bénéficiaires – ce qui reviendrait à créer un Smic jeune, de sinistre mémoire –, ou alors des Smic différents selon les régions – ce que le patronat réclame depuis des lustres –, ou enfin de remettre carrément en question « le principe même d’une revalorisation automatique ».
En bref, ces experts proposent de casser le Smic en mille morceaux. Ce que le ministre du Travail, Michel Sapin, a aussitôt exclu : «Il y a un Smic et un seul ; il y aura demain un Smic et un seul. »
Mais, dans le lot de leurs propositions, il y en a une autre qui fait dresser encore plus l’oreille, car c’est sans doute celle qui révèle le mieux l’inspiration de la politique économique du gouvernement. Estimant – mais en se gardant bien d’en apporter la preuve – que « le Smic n’est pas un instrument efficace de lutte contre la pauvreté et les bas revenus », ces experts défendent l’idée que le gouvernement serait bien avisé de ne plus se servir du salaire minimum à cette fin, mais seulement du RSA.
Traduction : cessons de majorer le Smic, qui pèse sur les entreprises, ne majorons plus que le RSA, qui est à la charge de l’Etat ! Cessons de légiférer en matière de travail et laissons l’Etat apporter des aides aux plus pauvres ! Brûlons même le code du travail et contentons-nous de prévoir un système d’aide pour les plus déshérités ! Voilà en résumé le nec plus ultra du libéralisme revisité par le socialisme version Hollande : un marché du travail bien déréglementé mais des bonnes œuvres bien organisées.
Pour l’heure, le gouvernement n’a donc mis en œuvre qu’une partie des recommandations de ces experts. Mais la philosophie de l’action publique est au moins clairement affichée. Une philosophie rétrograde : c’est le retour aux temps anciens de la charité publique.
* laurent.mauduit@mediapart.fr
Au début du mois de janvier 2012, quand il révèle son projet, le candidat socialiste prend ses distances sur de nombreux points avec le programme élaboré par son propre parti, au printemps précédent. Alors que la plate-forme du PS a consigné noir sur blanc l’impérieuse nécessité de donner un « coup de pouce » au salaire minimum, François Hollande
refuse ainsi de reprendre cette mesure à son compte.
A l’époque, il se garde d’expliquer les raisons de ce choix, mais ceux qui le connaissent savent à quoi s’en tenir : de longue date, François Hollande a des préventions contre le Smic. En quelque sorte, il a lui aussi été contaminé par la célèbre thèse (pour le moins discutable) de la « préférence française pour le chômage » – défendue en d’autres temps par Denis Olivennes et Alain Minc – selon laquelle des salaires trop élevés feraient le lit du chômage. Mais, dans le feu de la campagne, face notamment à Jean-Luc Mélenchon qui a fait du Smic l’un de ses principaux chevaux de bataille, François Hollande a du mal à tenir sa position. Alors, du bout des lèvres, il finit par consentir qu’en cas de victoire il pourrait faire un geste sur le Smic. Un petit geste.
Et de la parole aux actes ! En juin, le gouvernement annonce donc que le Smic sera revalorisé de 2 % au 1er juillet suivant, soit 1,4 % au titre de l’indexation automatique, et 0,6 % au titre du « coup de pouce » facultatif que la loi autorise. Seulement 0,6 %, c’est-à-dire... une misère ! Cela représente tout juste 20 centimes par jour, alors que, à chaque alternance, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont procédé à des hausses de deux à trois fois plus élevées. Cette simple mesure vient confirmer que François Hollande est totalement en arrière de la main.
En faut-il une preuve supplémentaire ? Le gouvernement vient de l’administrer. Car il a annoncé que, pour le 1er janvier 2013, le Smic ne sera plus majoré que du montant de l’inflation. Soit seulement 0,3 % (9,43 € brut l’heure). Plus de « coup de pouce », même dérisoire ! Plus de largesses, même en forme d’aumône : le gouvernement affiche désormais clairement son cap, celui de l’austérité salariale.
L’austérité pourrait même se renforcer, car le gouvernement semble désireux, maintenant, de modifier les règles du jeu. Un groupe d’experts a en effet été chargé voilà quelques mois de tracer des pistes de réformes possibles. Et il vient de faire connaître le fruit de ses réflexions. Pour le court terme, les « têtes d’œuf » ont recommandé d’exclure tout« coup de pouce » et de réviser les modalités d’indexation – deux recommandations aussitôt appliquées par Matignon. Mais, pour le plus long terme, les propositions de réformes sont encore plus explosives. Entre autres idées, ces experts suggèrent d’avancer à terme vers des Smic selon l’âge des bénéficiaires – ce qui reviendrait à créer un Smic jeune, de sinistre mémoire –, ou alors des Smic différents selon les régions – ce que le patronat réclame depuis des lustres –, ou enfin de remettre carrément en question « le principe même d’une revalorisation automatique ».
En bref, ces experts proposent de casser le Smic en mille morceaux. Ce que le ministre du Travail, Michel Sapin, a aussitôt exclu : «Il y a un Smic et un seul ; il y aura demain un Smic et un seul. »
Mais, dans le lot de leurs propositions, il y en a une autre qui fait dresser encore plus l’oreille, car c’est sans doute celle qui révèle le mieux l’inspiration de la politique économique du gouvernement. Estimant – mais en se gardant bien d’en apporter la preuve – que « le Smic n’est pas un instrument efficace de lutte contre la pauvreté et les bas revenus », ces experts défendent l’idée que le gouvernement serait bien avisé de ne plus se servir du salaire minimum à cette fin, mais seulement du RSA.
Traduction : cessons de majorer le Smic, qui pèse sur les entreprises, ne majorons plus que le RSA, qui est à la charge de l’Etat ! Cessons de légiférer en matière de travail et laissons l’Etat apporter des aides aux plus pauvres ! Brûlons même le code du travail et contentons-nous de prévoir un système d’aide pour les plus déshérités ! Voilà en résumé le nec plus ultra du libéralisme revisité par le socialisme version Hollande : un marché du travail bien déréglementé mais des bonnes œuvres bien organisées.
Pour l’heure, le gouvernement n’a donc mis en œuvre qu’une partie des recommandations de ces experts. Mais la philosophie de l’action publique est au moins clairement affichée. Une philosophie rétrograde : c’est le retour aux temps anciens de la charité publique.
* laurent.mauduit@mediapart.fr
lundi 17 décembre 2012
François Hollande : le changement dans la continuité ?
La politique de François Hollande, notamment en matière économique, semble décevoir de plus en plus de Mariannautes. Ceux-ci s’interrogent sur la pertinence de maintenir un système électoral qui investit, au bout du compte et quel que soit le parti, un homme qui ne porte plus les idées du peuple qui l’a élu une fois celui-ci à la tête de l’Etat.
« IL Y A DE QUOI ÊTRE DÉÇU DES PALINODIES INCESSANTES DEPUIS SIX MOIS. » JEAN LISSAC
Les attentes étaient élevées, l’amertume n’en est que plus forte. C’est un fait, François Hollande déçoit de plus en plus de Mariannautes : « Tant pis pour nous, nous avions le choix, et nous avons fait le mauvais », regrette ainsi Lionel MUTZENBERG. Principale désillusion : le candidat qui dénonçait la finance comme un ennemi à combattre lors du discours du Bourget se montre beaucoup moins vindicatif depuis qu’il se trouve à la tête de l’Etat : « Après un simulacre de renégociation du traité Merkozy, un traité libéral parmi tous les autres de l'UE, Hollande et son gouvernement a renoncé de son plein gré à se donner toute marge de manœuvre économique et sociale. On peut d'ores et déjà écrire la chronique d'un échec programmé ! » (Henri CORDING)
On reproche globalement au président de ne pas mener une politique plus « à gauche », terme générique renfermant dans beaucoup de commentaires une connotation sociale. Pour Julien Dardenne, pis encore, il n’y aurait rien de socialiste au PS à l’exception du nom du parti : « On se réfère à un nom : Parti socialiste, mais c'est une usurpation, ses membres élus sont des notables friqués qui ignorent même le prix du pain, comme les nobles au moyen âge ! D'ailleurs qui se souvient de la photo du couple Hollande-Sarkozy posant pour la constitution européenne ? On voit bien qu'ils sont pareils : Gandrange, Florange, Traité européen, les 3% et la rigueur ! Tout est identique à la virgule près ! Qui se souvient de la guerre à la finance ? Pour aboutir à quoi ? Des dizaines de milliards de cadeaux aux « Pigeons » et à Mittal, et pour le peuple des dizaines de milliards d'impôts et la TVA de Sarkozy! Le soi-disant « PS »est un parti de droite, rien d'autre, le reste est une posture! Ou mieux : une imposture ! »
LE VRAI CHANGEMENT, ON LE FAIT COMMENT ?
Si le président semble avoir oublié quelques unes de ses promesses de campagne en cours de route, cela ne constitue toutefois pas une rupture avec ses prédécesseurs : « Quel scoop, M. Hollande et son premier ministre ont menti ! M. Sarkozy a menti !
Pour info, avant eux, les De Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand aussi », rappelle ainsi Melchior PANOSSIAN.« La seule révolution qui vaille, ce n'est pas de voter, même aux extrêmes, mais d'arrêter de donner une légitimité à tous ces gens qui ont perverti la démocratie et l'utilisent pour satisfaire leurs intérêts personnels. Les Jaures, les Blum, les Mendes-France c'est fini... Hélas, mille fois hélas... »
Mais ne pas voter, de l’avis de Jacky EOUZAN, pourrait peut-être faire le jeu du gouvernement : « Aujourd'hui nous n'avons plus ni souveraineté monétaire (Euro), ni souveraineté budgétaire (soumission du budget à Bruxelles), ni souveraineté militaire (Otan), ni souveraineté judiciaire (affaire Aurore Martin). Les citoyens ne sont pas dupes. S’il ne vont plus voter, c'est qu'en face ils ont des larbins du système, qui se battent comme des chiffonniers pour gagner une place fort bien rémunérée, mais qui en réalité n'ont plus de pouvoirs. Pas étonnant si les gens s'abstiennent dans ces conditions, et ils seront de plus en plus nombreux comme aux US. C'est peut être le but de la manœuvre et ce que souhaitent les partisans du bipartisme, et son corollaire la politique de l'essuie glace. Cela éviterait de poser les véritables problèmes, de faire les bonnes analyses, et d'éclairer les citoyens. »
Mais ne pas voter, de l’avis de Jacky EOUZAN, pourrait peut-être faire le jeu du gouvernement : « Aujourd'hui nous n'avons plus ni souveraineté monétaire (Euro), ni souveraineté budgétaire (soumission du budget à Bruxelles), ni souveraineté militaire (Otan), ni souveraineté judiciaire (affaire Aurore Martin). Les citoyens ne sont pas dupes. S’il ne vont plus voter, c'est qu'en face ils ont des larbins du système, qui se battent comme des chiffonniers pour gagner une place fort bien rémunérée, mais qui en réalité n'ont plus de pouvoirs. Pas étonnant si les gens s'abstiennent dans ces conditions, et ils seront de plus en plus nombreux comme aux US. C'est peut être le but de la manœuvre et ce que souhaitent les partisans du bipartisme, et son corollaire la politique de l'essuie glace. Cela éviterait de poser les véritables problèmes, de faire les bonnes analyses, et d'éclairer les citoyens. »
samedi 15 décembre 2012
Casse-toi, pochtron ?
Jo-Wilfried Tsonga, Christian Clavier, et maintenant Gérard Depardieu : la fuite des cerveaux s’accélère en France, pour irriguer l’Europe qui n’en demandait pas tant.
Penchons-nous cinq minutes (de plus) sur l’exil d’Obélix chez les Belges, qui en fait couler, de l’encre dans les journaux et des canons au comptoir. L’un des acteurs les mieux payés du cinéma français vient de décréter que son pays n’avait pas vocation à accueillir toute la richesse du monde, et s’en va donc planquer la sienne à un jet de pavé de Roubaix, 1 km de l’autre côté de la frontière, à Néchin – en passe de devenir mine de rien le bled le plus sélect du plat pays, sans qu’on puisse même y amarrer un yacht.
C’est donc le Thalys qui, à l’avenir, tiendra lieu d’urinoir à une star que le monde entier a tentéde nous arracher, de Cuba à la Tchétchénie en passant par l’Ouzbékistan. Une star qu’on croyait 100 % terroir, biberonnée au vin d’Anjou et élevée aux volailles Bourgoin. Formée àl’école du cinéma de Blier, Sautet, Duras ou Téchiné. Gavée aux nanars plus made in France tu meurs (Astérix, Vidoq, RRRrrr…). Nourrie par les fictions patrimoniales de la télévision publique (« Les Misérables », « Monte-Cristo », « Raspoutine »…).
Cet ogre qui nous doit tout, et dont la carrière fut largement subventionnée par nos impôts, décide aujourd’hui de ne plus payer les siens et s’en va au pas de charge gonfler les statistiques de la sécurité routière belge. Il est donc temps d’organiser la riposte.
Non par la mesquine déchéance de nationalité agitée par certains esprits chagrins, mais via l’arme de distraction massive : le boycott. Boycottons les films de Gérard Depardieu. À 11,20 € pièce le navet au Gaumont-Pathé du coin, qui a encore envie de faire la queue pour se voir envoyer un magistral bras d’honneur depuis l’écran géant ? Zappons les rediff télé en recalculant mentalement l’augmentation de la redevance (+ 6 €, Gérard !). Cessons d’engraisser bêtement la bête.
Un jour, peut-être, Depardieu délesté repassera la frontière. Et se souviendra que ce qu’il fut autrefois, de nouveau il pourrait être.
Penchons-nous cinq minutes (de plus) sur l’exil d’Obélix chez les Belges, qui en fait couler, de l’encre dans les journaux et des canons au comptoir. L’un des acteurs les mieux payés du cinéma français vient de décréter que son pays n’avait pas vocation à accueillir toute la richesse du monde, et s’en va donc planquer la sienne à un jet de pavé de Roubaix, 1 km de l’autre côté de la frontière, à Néchin – en passe de devenir mine de rien le bled le plus sélect du plat pays, sans qu’on puisse même y amarrer un yacht.
C’est donc le Thalys qui, à l’avenir, tiendra lieu d’urinoir à une star que le monde entier a tentéde nous arracher, de Cuba à la Tchétchénie en passant par l’Ouzbékistan. Une star qu’on croyait 100 % terroir, biberonnée au vin d’Anjou et élevée aux volailles Bourgoin. Formée àl’école du cinéma de Blier, Sautet, Duras ou Téchiné. Gavée aux nanars plus made in France tu meurs (Astérix, Vidoq, RRRrrr…). Nourrie par les fictions patrimoniales de la télévision publique (« Les Misérables », « Monte-Cristo », « Raspoutine »…).
Cet ogre qui nous doit tout, et dont la carrière fut largement subventionnée par nos impôts, décide aujourd’hui de ne plus payer les siens et s’en va au pas de charge gonfler les statistiques de la sécurité routière belge. Il est donc temps d’organiser la riposte.
Non par la mesquine déchéance de nationalité agitée par certains esprits chagrins, mais via l’arme de distraction massive : le boycott. Boycottons les films de Gérard Depardieu. À 11,20 € pièce le navet au Gaumont-Pathé du coin, qui a encore envie de faire la queue pour se voir envoyer un magistral bras d’honneur depuis l’écran géant ? Zappons les rediff télé en recalculant mentalement l’augmentation de la redevance (+ 6 €, Gérard !). Cessons d’engraisser bêtement la bête.
Un jour, peut-être, Depardieu délesté repassera la frontière. Et se souviendra que ce qu’il fut autrefois, de nouveau il pourrait être.
Le règne de l'oligarchie médiatique
Si les journalistes sont de moins en moins crédibles, c'est parce qu'il existe une oligarchie médiatique qui ne représente ni l'opinion, ni la société, mais elle-même, et qui vit en symbiose avec l'élite politique.
Une des légitimités du journalisme, mais qui n'est plus exacte, était que le journaliste est le porte-parole de l'opinion publique. Aujourd'hui, les sondages font partiellement ce travail. C'était au nom de cette référence abstraite que les journalistes critiquaient le pouvoir politique. Aujourd'hui, ils parlent en leur nom. Le problème du monde médiatique est son manque d'autonomie par rapport au monde politique, sa faible légitimité et son découplage par rapport à l'opinion. D'autant que, simultanément, les élites se sont beaucoup homogénéisées.
C'est d'ailleurs paradoxal. Il n'y a jamais eu autant de capteurs de la diversité de la réalité et jamais autant d'étroitesse dans la représentation de la société et des élites. Ce n'est pas grave parce que l'opinion publique est lucide, même si cette distance critique naissante ne se voit pas.
La base de la légitimité des journalistes vient de la confiance que l'on a à leur égard. Or celle-là ne cesse de baisser depuis trente ans. Les journalistes ne le voient guère, préférant trop souvent s'enfermer dans leur univers, convaincus de leur bon droit. Résultat : ils «tiennent» en partie les politiques et prennent le silence du public pour un acquiescement.
C'est d'ailleurs paradoxal. Il n'y a jamais eu autant de capteurs de la diversité de la réalité et jamais autant d'étroitesse dans la représentation de la société et des élites. Ce n'est pas grave parce que l'opinion publique est lucide, même si cette distance critique naissante ne se voit pas.
La base de la légitimité des journalistes vient de la confiance que l'on a à leur égard. Or celle-là ne cesse de baisser depuis trente ans. Les journalistes ne le voient guère, préférant trop souvent s'enfermer dans leur univers, convaincus de leur bon droit. Résultat : ils «tiennent» en partie les politiques et prennent le silence du public pour un acquiescement.
LE MYTHE DU QUATRIÈME POUVOIR
Ma démarche ne s'inscrit pas contre les journalistes, comme je l'écris depuis longtemps. Dans un univers saturé d'informations, ce sont des intermédiaires indispensables. Mais pourquoi ce milieu composé de gens intelligents est-il en train de basculer ? Pourquoi cette oligarchie n'entend-elle rien ? Autant je défends l'information, la critique et le contre-pouvoir de la presse, autant je m'oppose au mythe de la presse érigée en quatrième pouvoir.
En fait, cette dérive ne concerne pas tous les journalistes, mais surtout une partie de la hiérarchie. Distinguons trois groupes : l'«élite», l'oligarchie des éditorialistes et des dirigeants, qui remplace de plus en plus une élite intellectuelle, culturelle et universitaire déclassée depuis presque quarante ans. La classe moyenne des journalistes, majoritaire, de plus en plus intéressante, qui porte un regard critique sur l'oligarchie, mais n'ose pas l'affronter. Enfin, la troisième classe, les jeunes, en partie précarisés, qui sont souvent sur les réseaux. Ils veulent s'en sortir, mais manquent pour beaucoup de réflexion critique et s'imaginent qu'avec Internet, un nouveau monde s'offre à eux !
L'oligarchie ne représente ni l'opinion, ni la société, mais elle-même. Elle est souvent le seul contact pour des politiques mécaniquement déconnectés d'une bonne partie de la réalité. Ces deux univers se confortent alors dans une représentation limitée du monde. Cela pose le problème de la consanguinité entre journalistes et politiques qui vivent les uns avec les autres, avec les mêmes calendriers et les mêmes visions du monde.
En plus, les journalistes oligarques deviennent les experts que l'on interroge. Ils ont un redoutable pouvoir de sélection pour inviter les personnalités. Une poignée de ces experts-commentateurs se retrouvent plusieurs fois par semaine dans d'autres rédactions, pour commenter l'actualité. Pourquoi ? Où est la diversité ? Quant aux autres experts, ils sont souvent réduits à la portion congrue, ou complètement identifiés aux journalistes. Il n'y a plus d'altérité.
Pour les politiques, cette oligarchie (qui n'est d'ailleurs pas seulement journalistique) est un mur qu'ils n'arrivent souvent pas à traverser. Ils n'ont plus de contact direct avec la réalité. Pourtant, apparemment, le politique n'a jamais su «aussi facilement» ce qui se passe, par les tweets, les sondages, les blogs...
En fait, cette dérive ne concerne pas tous les journalistes, mais surtout une partie de la hiérarchie. Distinguons trois groupes : l'«élite», l'oligarchie des éditorialistes et des dirigeants, qui remplace de plus en plus une élite intellectuelle, culturelle et universitaire déclassée depuis presque quarante ans. La classe moyenne des journalistes, majoritaire, de plus en plus intéressante, qui porte un regard critique sur l'oligarchie, mais n'ose pas l'affronter. Enfin, la troisième classe, les jeunes, en partie précarisés, qui sont souvent sur les réseaux. Ils veulent s'en sortir, mais manquent pour beaucoup de réflexion critique et s'imaginent qu'avec Internet, un nouveau monde s'offre à eux !
L'oligarchie ne représente ni l'opinion, ni la société, mais elle-même. Elle est souvent le seul contact pour des politiques mécaniquement déconnectés d'une bonne partie de la réalité. Ces deux univers se confortent alors dans une représentation limitée du monde. Cela pose le problème de la consanguinité entre journalistes et politiques qui vivent les uns avec les autres, avec les mêmes calendriers et les mêmes visions du monde.
En plus, les journalistes oligarques deviennent les experts que l'on interroge. Ils ont un redoutable pouvoir de sélection pour inviter les personnalités. Une poignée de ces experts-commentateurs se retrouvent plusieurs fois par semaine dans d'autres rédactions, pour commenter l'actualité. Pourquoi ? Où est la diversité ? Quant aux autres experts, ils sont souvent réduits à la portion congrue, ou complètement identifiés aux journalistes. Il n'y a plus d'altérité.
Pour les politiques, cette oligarchie (qui n'est d'ailleurs pas seulement journalistique) est un mur qu'ils n'arrivent souvent pas à traverser. Ils n'ont plus de contact direct avec la réalité. Pourtant, apparemment, le politique n'a jamais su «aussi facilement» ce qui se passe, par les tweets, les sondages, les blogs...
COURSE À L'URGENCE
François Fillon avant l'annonce de la création du groupe parlementaire Rassemblement - UMP à l'Assemblée - WITT/SIPA
L'autre problème que doivent affronter les médias, c'est l'idéologie de l'immédiateté, avec la chasse au scoop et la concurrence exacerbée qui ne dit pas son nom. Le pouvoir politique devrait contraindre les médias à ralentir et non à imposer leur rythme. Les chaînes d'information et Internet sont l'incarnation de cette discordance. Ils doivent créer du drame, trouver l'audience et donner le sentiment qu'il se passe toujours quelque chose de grave, même si l'écrasante majorité de la population ne vit pas dans cet espace-temps !
Ce déferlement ne traduit pas une maturité. Le pouvoir médiatique ne connaît plus ses limites, juge de tout et alimente la course à l'urgence et aux rumeurs. Les médias vont trop vite, alors que la politique va toujours plus lentement. Et rien ne sert de dramatiser ce qui souvent l'est déjà assez. Qui vit au rythme de l'information continue ?
Pour retrouver l'attention ou la confiance de l'opinion publique, nous avons besoin de la cohabitation conflictuelle de différents points de vue. Le monde politique, le monde médiatique, le milieu de la connaissance et la société. Ces quatre visions doivent cohabiter afin de montrer la complexité de la société.
L'information en direct a été à juste titre un idéal pour toute la presse, mais elle peut devenir un cauchemar. Il faut au moins diversifier les points de vue, compléter le travail des journalistes par d'autres visions du monde, et compléter la vitesse par toujours plus de connaissances, de culture, d'érudition, d'explications. Bref, rétablir la pluralité des chronologies et des points de vue. C'est la confiance dans les médias qui est en jeu et la légitimité des journalistes qui est à revaloriser.
Ce déferlement ne traduit pas une maturité. Le pouvoir médiatique ne connaît plus ses limites, juge de tout et alimente la course à l'urgence et aux rumeurs. Les médias vont trop vite, alors que la politique va toujours plus lentement. Et rien ne sert de dramatiser ce qui souvent l'est déjà assez. Qui vit au rythme de l'information continue ?
Pour retrouver l'attention ou la confiance de l'opinion publique, nous avons besoin de la cohabitation conflictuelle de différents points de vue. Le monde politique, le monde médiatique, le milieu de la connaissance et la société. Ces quatre visions doivent cohabiter afin de montrer la complexité de la société.
L'information en direct a été à juste titre un idéal pour toute la presse, mais elle peut devenir un cauchemar. Il faut au moins diversifier les points de vue, compléter le travail des journalistes par d'autres visions du monde, et compléter la vitesse par toujours plus de connaissances, de culture, d'érudition, d'explications. Bref, rétablir la pluralité des chronologies et des points de vue. C'est la confiance dans les médias qui est en jeu et la légitimité des journalistes qui est à revaloriser.
vendredi 14 décembre 2012
Salaires : ceux que la crise n’empêche pas de dormir
L’actualité offre parfois des télescopages qui donnent à réfléchir. Celui-là donnerait presque des envies de révolution. Pendant que certains, à droite notamment, daubent sur le plan de lutte contre la pauvreté présenté mardi par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le cabinet Proxinvest vient de rendre public son rapport annuel sur les rémunérations des Pdg du CAC 40 pour l’année 2011. Elles donnent le vertige, pour ne pas dire la nausée. Elles prouvent, en tous cas, qu’il existe bien en France une catégorie de citoyens privilégiés – en réalité, les vrais assistés de ce pays – que la crise n’empêche pas de dormir.
Alors que la France est au bord de la récession, alors que le cap des 3 millions de chômeurs a été allègrement franchi et que les plans sociaux succèdent aux fermetures d’usines, les revenus de ces grands patrons, qui avaient déjà progressé de 34% en 2010, ont continué à augmenter en 2011 de 4,4%. Quelles que soient les performances financières de leur entreprise ! L’indice boursier du CAC40 a baissé de 17% en 2011, mais leurs salaires, eux, continuent de s’envoler comme si de rien n’était.
En moyenne, les patrons des 40 plus grosses capitalisations boursières gagnent 4,4 millions d’euros par an. Rappelons, à tout hasard, que le salaire net moyen en France est de 2082 euros et qu’il n’a augmenté que de 0,5%, c’est-à-dire 9 fois moins vite que celui de ces grands patrons ! Etonnez vous après cela que le sentiment d’injustice sociale fasse des ravages !
Pire, 13 de ces 40 dirigeants dépassent la barre – pourtant très haute - fixée par Proxinvest à 240 fois le Smic. C’est le cas, par exemple, de Bernard Arnault, le Pdg du groupe LVMH, (10,8 millions d’euros) qui s’apprête à s’installer en Belgique ! C’est le cas aussi de Carlos Ghosn, le Pdg de Renault-Nissan (13,3 millions d’euros) alors même que son entreprise connaît des difficultés majeures. Crise du secteur automobile ou pas, Carlos Ghosn empoche chaque année l’équivalent du salaire de 700 smicards.
Preuve qu’au grand casino de l’ultralibéralisme, une seule règle prévaut : quand tout le monde gagne, tu gagnes ; quand tout le monde perd, tu gagnes quand même ! Il n’est qu’à voir les bonus versés chez Carrefour ou GDF Suez pour comprendre que la part variable de ces salaires ne dépend même pas de la réussite des entreprises concernées. Mieux : en 2011, la bourse ayant baissé, les stock-options ne présentent plus le même intérêt financier pour leurs bénéficiaires ? Qu’à cela ne tienne, on a remplacé l’instrument par la distribution d’actions gratuites. Joyeux Noël… 365 jours par an !
Il est grand temps qu’une loi permette aux assemblées générales d’actionnaires de statuer sur les rémunérations fixes et variables de ces managers dorés sur tranche. Grand temps aussi d’en finir une bonne fois pour toutes avec la consanguinité qui règne dans les comités de rémunération et qui autorise – en toute impunité – des excès que la crise et le chômage n’ont même pas contribué à calmer.
Alors que la France est au bord de la récession, alors que le cap des 3 millions de chômeurs a été allègrement franchi et que les plans sociaux succèdent aux fermetures d’usines, les revenus de ces grands patrons, qui avaient déjà progressé de 34% en 2010, ont continué à augmenter en 2011 de 4,4%. Quelles que soient les performances financières de leur entreprise ! L’indice boursier du CAC40 a baissé de 17% en 2011, mais leurs salaires, eux, continuent de s’envoler comme si de rien n’était.
En moyenne, les patrons des 40 plus grosses capitalisations boursières gagnent 4,4 millions d’euros par an. Rappelons, à tout hasard, que le salaire net moyen en France est de 2082 euros et qu’il n’a augmenté que de 0,5%, c’est-à-dire 9 fois moins vite que celui de ces grands patrons ! Etonnez vous après cela que le sentiment d’injustice sociale fasse des ravages !
Pire, 13 de ces 40 dirigeants dépassent la barre – pourtant très haute - fixée par Proxinvest à 240 fois le Smic. C’est le cas, par exemple, de Bernard Arnault, le Pdg du groupe LVMH, (10,8 millions d’euros) qui s’apprête à s’installer en Belgique ! C’est le cas aussi de Carlos Ghosn, le Pdg de Renault-Nissan (13,3 millions d’euros) alors même que son entreprise connaît des difficultés majeures. Crise du secteur automobile ou pas, Carlos Ghosn empoche chaque année l’équivalent du salaire de 700 smicards.
Preuve qu’au grand casino de l’ultralibéralisme, une seule règle prévaut : quand tout le monde gagne, tu gagnes ; quand tout le monde perd, tu gagnes quand même ! Il n’est qu’à voir les bonus versés chez Carrefour ou GDF Suez pour comprendre que la part variable de ces salaires ne dépend même pas de la réussite des entreprises concernées. Mieux : en 2011, la bourse ayant baissé, les stock-options ne présentent plus le même intérêt financier pour leurs bénéficiaires ? Qu’à cela ne tienne, on a remplacé l’instrument par la distribution d’actions gratuites. Joyeux Noël… 365 jours par an !
Il est grand temps qu’une loi permette aux assemblées générales d’actionnaires de statuer sur les rémunérations fixes et variables de ces managers dorés sur tranche. Grand temps aussi d’en finir une bonne fois pour toutes avec la consanguinité qui règne dans les comités de rémunération et qui autorise – en toute impunité – des excès que la crise et le chômage n’ont même pas contribué à calmer.
Pour Attali et Barbier, les ouvriers de Florange sont des veinards
Il faut remercier Christophe Barbier et Jacques Attali, les duettistes de L’Express. Ils ont osé écrire ce que personne, jusqu’ici, n’avait osé dire, à savoir que les 630 ouvriers de Florange touchés par la fermeture des hauts fourneaux sont de fausses victimes, des petits veinards bien mieux lotis que les vrais chômeurs, bref une bande de privilégiés en salopette qui feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir.
Dans son éditorial de début de journal, Christophe Barbier, directeur de L’Express, dénonce la « Zolattitude », fustige la « nostalgie geignarde du "Florange-show" », explique qu’il ne faut pas « se tromper de combat ni glorifier des héros d’arrière-garde » (on aimerait savoir qui sont les héros d’avant garde – à part lui, évidemment). « Les 600 postes de Florange ne sont pas une priorité », décrète-t-il, car il s’agit d’ « emplois hérités du XIXème siècle et dont les titulaires sont protégés par un efficace filet social ».
Les grands esprits ayant vocation innée à se rencontrer, Jacques Attali reprend l’antienne dans sa chronique de fin de journal.
Non sans courage, il s’en prend à « des salariés qui, pour la plupart d’entre eux, comme c’est le cas à Florange, ne risquent pas le chômage et sont déjà payés, depuis longtemps, pour entretenir un outil de travail dont chacun sait qu’il ne redémarrera jamais ».
« Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse », disait Jean Giraudoux. Barbier et Attali les voient de leurs bureaux parisiens, d’où il est de bon ton de considérer la sidérurgie lorraine comme un « canard boiteux » (pour reprendre la formule de Jean-Pierre Jouyet, grand ami du Président de la République, promu à la direction de la Caisse des Dépôts et Consignations) alors que l’on y produit des aciers hauts de gamme.
Des bureaux parisiens de L’Express, il est également loisible de se moquer de ces ouvriers qui n’ont pas à se plaindre puisqu’il y a pire situation que la leur et qu’ils pourraient être envoyés à Pôle Emploi, par exemple. D’ailleurs, au sein de l’élite, tout le monde rêve d’avoir un enfant ouvrier sidérurgiste pour que sa carrière soit comme un long fleuve tranquille.
Alors, de quoi se plaignent-ils, ces prolos « payés » à des salaires qui doivent correspondre à l’argent de proche hebdomadaire de ces cumulards de l’oligarchie médiatique que sont Christophe Barbier et Jacques Attali ?
Il y a quelques jours disparaissait Michel Naudy, ancien journaliste à France 3, où il passa l’essentiel de sa carrière dans un placard, en raison de ses idées iconoclastes. Michel Naudy, qui s’est suicidé, avait témoigné dans le film « Les chiens de garde », film tiré du livre éponyme de Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique.
Des bureaux parisiens de L’Express, il est également loisible de se moquer de ces ouvriers qui n’ont pas à se plaindre puisqu’il y a pire situation que la leur et qu’ils pourraient être envoyés à Pôle Emploi, par exemple. D’ailleurs, au sein de l’élite, tout le monde rêve d’avoir un enfant ouvrier sidérurgiste pour que sa carrière soit comme un long fleuve tranquille.
Alors, de quoi se plaignent-ils, ces prolos « payés » à des salaires qui doivent correspondre à l’argent de proche hebdomadaire de ces cumulards de l’oligarchie médiatique que sont Christophe Barbier et Jacques Attali ?
Il y a quelques jours disparaissait Michel Naudy, ancien journaliste à France 3, où il passa l’essentiel de sa carrière dans un placard, en raison de ses idées iconoclastes. Michel Naudy, qui s’est suicidé, avait témoigné dans le film « Les chiens de garde », film tiré du livre éponyme de Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique.
Voici ce qu’il disait du regard des membres de l’élite mediatico-politique sur le monde du travail : « A leurs yeux, les classes populaires sont une réserve d’indiens. Ils ne les connaissent pas ; ils ne viennent pas de ces milieux ; ils n’en connaissent pas les codes ; ils n’en connaissent pas les préoccupations ; ils n’en connaissent pas les conditions de vie ; ils n’en connaissent pas la culture ; ils n’en connaissent pas les traditions. Dès l’instant que ces gens sortent de leur rôle, celui de gens pittoresques identifiables à des poncifs idéologiques, ils deviennent dangereux » (on peut revoir cet extrait sur le site www.acrimed.org en cliquant ici ).
Et quand des gens sont jugés dangereux, on peut tout se permettre. La preuve.
A ceux qui se sentiraient indisposés par les propos du consortium idéologique Barbier/Attali, on ne saurait que conseiller le détour audio par un coffret audio/video relatant l’aventure hors norme d’une radio qui s’appelait « Lorraine Cœur d’Acier », de mai 1979 à juin 1980. En pleine crise de la sidérurgie (déjà), la CGT créa cette antenne animée par le journaliste Marcel Trillat.
Un an durant, LCA fut la voix des sans voix, un forum de paroles authentiques où personne ne méprisait personne, un lieu de témoignages bouleversants sur la condition ouvrière, avec notamment des paroles féminines d’une rare authenticité. Le ton de « LCA » était libre, absolument libre, visiblement trop puisque la CGT ferma la radio. Et pourtant, c’est ce même syndicat qui prend aujourd’hui l’initiative de diffuser ce CD (1).
Voilà un beau cadeau de Noël pour Jacques Attali et Christophe Barbier, afin qu’ils puissent découvrir un monde qui leur est aussi étranger que l’était l’Amérique pour Christophe Colomb – lequel avait au moins l’excuse de l’éloignement géographique.
(1) « Un morceau de chiffon rouge. Mars 1970-Juin 1980. Lorraine Cœur d’Acier. L’aventure inédite d’une radio ». Documentaire radiophonique de Pierre Barron, Raphaël Mouterde, et Frédéric Rouziès. 5 CD plus un DVD d’Alban Poirier et Jean Serres. Editions de la vie ouvrière Case 600 – 263 rue de Paris 93516 Montreuil cedex, 29,9€.
Et quand des gens sont jugés dangereux, on peut tout se permettre. La preuve.
A ceux qui se sentiraient indisposés par les propos du consortium idéologique Barbier/Attali, on ne saurait que conseiller le détour audio par un coffret audio/video relatant l’aventure hors norme d’une radio qui s’appelait « Lorraine Cœur d’Acier », de mai 1979 à juin 1980. En pleine crise de la sidérurgie (déjà), la CGT créa cette antenne animée par le journaliste Marcel Trillat.
Un an durant, LCA fut la voix des sans voix, un forum de paroles authentiques où personne ne méprisait personne, un lieu de témoignages bouleversants sur la condition ouvrière, avec notamment des paroles féminines d’une rare authenticité. Le ton de « LCA » était libre, absolument libre, visiblement trop puisque la CGT ferma la radio. Et pourtant, c’est ce même syndicat qui prend aujourd’hui l’initiative de diffuser ce CD (1).
Voilà un beau cadeau de Noël pour Jacques Attali et Christophe Barbier, afin qu’ils puissent découvrir un monde qui leur est aussi étranger que l’était l’Amérique pour Christophe Colomb – lequel avait au moins l’excuse de l’éloignement géographique.
(1) « Un morceau de chiffon rouge. Mars 1970-Juin 1980. Lorraine Cœur d’Acier. L’aventure inédite d’une radio ». Documentaire radiophonique de Pierre Barron, Raphaël Mouterde, et Frédéric Rouziès. 5 CD plus un DVD d’Alban Poirier et Jean Serres. Editions de la vie ouvrière Case 600 – 263 rue de Paris 93516 Montreuil cedex, 29,9€.
jeudi 13 décembre 2012
L'enfer où a été fabriqué votre iPhone | Une Zapnet Rue89
mercredi 12 décembre 2012
De Gandrange à Florange, les mêmes scénarios
Début 2011, c'est une histoire qui a fait grand bruit. A l'époque, le secrétaire de la section CGT des employés communaux d'une petite bourgade de Moselle, Nilvange, avait annoncé qu'il rejoignait le Front national. Si l'affaire avait eu cet écho, c'est que le village est situé au cœur de ce qui était autrefois le premier bastion de la sidérurgie française et qui n'est plus maintenant qu'un champ de ruines.
On y avait donc vu un symptôme de la désespérance sociale. Et puis aussi un avertissement inquiétant. Un avertissement d'abord à Nicolas Sarkozy qui avait promis aux sidérurgistes de Gandrange - distant de Nilvange de moins de 20 km - que leur usine ne fermerait pas, avant de les abandonner à leur sort. Et puis aussi un avertissement aux partis de gauche, qui ont parfois, eux aussi, été contaminés par le virus libéral du laisser-faire.
Depuis, l'affaire a visiblement été oubliée. Pis que cela ! Ce que Nicolas Sarkozy a fait hier à Gandrange, François Hollande le refait aujourd'hui à Florange. Avec le même cynisme, la même rouerie, les mêmes mensonges. Oui ! les mêmes mensonges... Il y en a eu tellement ces dernières semaines qu'il n'est guère difficile de les recenser.
D'abord, il y a le mensonge proféré le 30 novembre par Jean-Marc Ayrault, quand, désavouant Arnaud Montebourg, il présente l'accord conclu entre le gouvernement et la direction d'ArcelorMittal comme une victoire. Bien qu'il s'agisse d'une pitoyable reculade. Qu'on en juge. Alors que, peu avant, le fougueux ministre du Redressement productif avait tonné contre le patron du groupe sidérurgique, affirmant que l'on ne voulait «plus de lui en France» - au motif qu'il n'avait respecté «aucun de ses engagements» - et le menaçant d'une nationalisation provisoire, voilà d'un seul coup que le Premier ministre se réjouit d'un accord... qui laisse totalement les mains libres au groupe Mittal.
Plus de menace de nationalisation ! Pas de remise en marche des hauts-fourneaux de Florange, à l'arrêt depuis quatorze mois ! Tout juste la direction promet-elle de réinvestir à terme 180 millions d'euros et de ne pas procéder à un plan social. Mais on sait ce que valent les engagements de Mittal : rien du tout. Déjà, en 2006, lors de son OPA sur Arcelor, le groupe avait promis de ne pas fermer Florange. C'était consigné noir sur blanc, avec cette précision : «Les sites français bénéficieront d'investissements dans un futur prévisible, afin de renforcer leur compétitivité.»
Le deuxième mensonge, aussi grave, est celui proféré par François Hollande, le 24 février 2012, quand, juché sur un camion à Florange, il promet aux sidérurgistes qu'il les défendra en prenant une loi obligeant un industriel à céder une usine viable promise à la fermeture. Car, depuis, cette loi n'a toujours pas vu le jour. Et, quand bien même le gouvernement serait-il de bonne foi et n'aurait simplement pas eu le temps de légiférer en ce sens, il avait un autre moyen d'honorer la promesse du candidat, c'était de reprendre à son compte l'idée avancée par Arnaud Montebourg d'une nationalisation transitoire, qui revenait exactement au même, mais qui a donc été rejetée. Comme dans le cas de Nicolas Sarkozy pour Gandrange, François Hollande n'a donc pas tenu sa promesse pour Florange.
Le troisième mensonge - à moins que ce ne soit de l'incompétence - a été énoncé le 19 octobre par Jean-Pierre Jouyet, président de la future Banque publique d'investissement, quand il a accablé le site de Florange, en le rangeant au nombre des «canards boiteux». Car, au contraire, si la conjoncture est déprimée, le site de Florange n'en est pas moins l'un des fleurons qui symbolisent l'excellence technologique de la sidérurgie française. Et c'est bien pour cela qu'en 2006 Mittal a aussi voulu mettre la main sur ce site, et non pas le fermer comme Arcelor l'avait prévu : pour disposer de ce savoir-faire, quitte ensuite à organiser des transferts de technologie et des délocalisations de production.
Et on approche ici du quatrième mensonge. Car François Hollande avait pris aussi cet engagement : «Notre ennemi, c'est la finance.» Or, s'il y a un groupe industriel qui symbolise les perversions de la finance dérégulée, c'est ArcelorMittal. Cornaqué par la plus sulfureuse des banques, Goldman Sachs, criblé de dettes (22,5 milliards d'euros) à cause d'une course folle à la mondialisation, mais servant à ses actionnaires des dividendes hallucinants (2,8 milliards d'euros en 2011, soit plus que son résultat net), disposant d'une réputation sociale détestable, ArcelorMittal est une caricature des excès auxquels peut conduire la financiarisation de l'industrie.
Alors, pourquoi avoir rendu les armes contre un pareil «ennemi», sans même avoir combattu, sans même oser une nationalisation, fût-elle partielle et seulement transitoire ?
La question risque de hanter longtemps la gauche. Pour une raison que Trotski avait formidablement détaillée dans son célèbre opuscule Où va la France ? : «Quand le peuple ne trouve pas de solution dans l'espoir révolutionnaire, il peut être tenté de la chercher dans le désespoir contre-révolutionnaire.» Traduction en langage contemporain : quand la gauche n'assume pas sa mission de transformation sociale, elle prend le risque de renforcer l'extrême droite et d'attiser le vote protestataire.
laurent.mauduit@mediapart.fr
On y avait donc vu un symptôme de la désespérance sociale. Et puis aussi un avertissement inquiétant. Un avertissement d'abord à Nicolas Sarkozy qui avait promis aux sidérurgistes de Gandrange - distant de Nilvange de moins de 20 km - que leur usine ne fermerait pas, avant de les abandonner à leur sort. Et puis aussi un avertissement aux partis de gauche, qui ont parfois, eux aussi, été contaminés par le virus libéral du laisser-faire.
Depuis, l'affaire a visiblement été oubliée. Pis que cela ! Ce que Nicolas Sarkozy a fait hier à Gandrange, François Hollande le refait aujourd'hui à Florange. Avec le même cynisme, la même rouerie, les mêmes mensonges. Oui ! les mêmes mensonges... Il y en a eu tellement ces dernières semaines qu'il n'est guère difficile de les recenser.
D'abord, il y a le mensonge proféré le 30 novembre par Jean-Marc Ayrault, quand, désavouant Arnaud Montebourg, il présente l'accord conclu entre le gouvernement et la direction d'ArcelorMittal comme une victoire. Bien qu'il s'agisse d'une pitoyable reculade. Qu'on en juge. Alors que, peu avant, le fougueux ministre du Redressement productif avait tonné contre le patron du groupe sidérurgique, affirmant que l'on ne voulait «plus de lui en France» - au motif qu'il n'avait respecté «aucun de ses engagements» - et le menaçant d'une nationalisation provisoire, voilà d'un seul coup que le Premier ministre se réjouit d'un accord... qui laisse totalement les mains libres au groupe Mittal.
Plus de menace de nationalisation ! Pas de remise en marche des hauts-fourneaux de Florange, à l'arrêt depuis quatorze mois ! Tout juste la direction promet-elle de réinvestir à terme 180 millions d'euros et de ne pas procéder à un plan social. Mais on sait ce que valent les engagements de Mittal : rien du tout. Déjà, en 2006, lors de son OPA sur Arcelor, le groupe avait promis de ne pas fermer Florange. C'était consigné noir sur blanc, avec cette précision : «Les sites français bénéficieront d'investissements dans un futur prévisible, afin de renforcer leur compétitivité.»
Le deuxième mensonge, aussi grave, est celui proféré par François Hollande, le 24 février 2012, quand, juché sur un camion à Florange, il promet aux sidérurgistes qu'il les défendra en prenant une loi obligeant un industriel à céder une usine viable promise à la fermeture. Car, depuis, cette loi n'a toujours pas vu le jour. Et, quand bien même le gouvernement serait-il de bonne foi et n'aurait simplement pas eu le temps de légiférer en ce sens, il avait un autre moyen d'honorer la promesse du candidat, c'était de reprendre à son compte l'idée avancée par Arnaud Montebourg d'une nationalisation transitoire, qui revenait exactement au même, mais qui a donc été rejetée. Comme dans le cas de Nicolas Sarkozy pour Gandrange, François Hollande n'a donc pas tenu sa promesse pour Florange.
Le troisième mensonge - à moins que ce ne soit de l'incompétence - a été énoncé le 19 octobre par Jean-Pierre Jouyet, président de la future Banque publique d'investissement, quand il a accablé le site de Florange, en le rangeant au nombre des «canards boiteux». Car, au contraire, si la conjoncture est déprimée, le site de Florange n'en est pas moins l'un des fleurons qui symbolisent l'excellence technologique de la sidérurgie française. Et c'est bien pour cela qu'en 2006 Mittal a aussi voulu mettre la main sur ce site, et non pas le fermer comme Arcelor l'avait prévu : pour disposer de ce savoir-faire, quitte ensuite à organiser des transferts de technologie et des délocalisations de production.
Et on approche ici du quatrième mensonge. Car François Hollande avait pris aussi cet engagement : «Notre ennemi, c'est la finance.» Or, s'il y a un groupe industriel qui symbolise les perversions de la finance dérégulée, c'est ArcelorMittal. Cornaqué par la plus sulfureuse des banques, Goldman Sachs, criblé de dettes (22,5 milliards d'euros) à cause d'une course folle à la mondialisation, mais servant à ses actionnaires des dividendes hallucinants (2,8 milliards d'euros en 2011, soit plus que son résultat net), disposant d'une réputation sociale détestable, ArcelorMittal est une caricature des excès auxquels peut conduire la financiarisation de l'industrie.
Alors, pourquoi avoir rendu les armes contre un pareil «ennemi», sans même avoir combattu, sans même oser une nationalisation, fût-elle partielle et seulement transitoire ?
La question risque de hanter longtemps la gauche. Pour une raison que Trotski avait formidablement détaillée dans son célèbre opuscule Où va la France ? : «Quand le peuple ne trouve pas de solution dans l'espoir révolutionnaire, il peut être tenté de la chercher dans le désespoir contre-révolutionnaire.» Traduction en langage contemporain : quand la gauche n'assume pas sa mission de transformation sociale, elle prend le risque de renforcer l'extrême droite et d'attiser le vote protestataire.
laurent.mauduit@mediapart.fr
lundi 10 décembre 2012
Mali, ça se complique…
Qu’était-il allé faire dans cette galère, s’étaient interrogés certains proches de Cheik Modibo Diarra, 60 ans quand cet astrophysicien malien devenu le patron des missions spatiales de la Nasa fût nommé premier ministre de son pays le 17 avril dernier.
La galère s’achève, mais pas de la plus aimable des façons puisque le brillant scientifique a dû démissionner après avoir été arrêté et placé en résidence surveillée dans la nuit du lundi 10 décembre. Fin d’une expérience qui ne devait être que provisoire puisque Cheik Modibo Diarra, tout comme le président de la République Dioncounda Traoré, officiait comme premier ministre de transition en attendant la tenue d’élections générales censées doter le pays d’un pouvoir sorti des urnes.
À l’origine de sa chute, il y a une fois encore le capitaine Amadou Sanogo, l’organisateur du putsch militaire du 22 mars 2012 qui avait mis un terme à la présidence très fragilisée d’Amadou Toumani Touré (ATT) et déclenché par ricochet l’offensive des groupes islamistes et touaregs au nord du Mali. Revenus dans leur caserne de Kati, Sanogo et ses hommes n’ont cessé de vouloir influencer le cours de la vie politique malienne, en particulier du moment où le premier ministre, en accord avec le président, s’est engagé dans la voie de l’option militaire pour chasser les islamistes du Nord et restaurer l’intégrité territoriale du pays. Sanogo ne voulait pas en entendre parler, à l’image de son mentor et protecteur Blaise Campaoré, le chef d’État burkinabé, président de la Cedao (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) et, à ce titre, médiateur plus que controversé entre les groupes islamistes, les autorités de Bamako et l’Algérie.
Que cherche Campaoré en tergiversant avec les radicaux favorables à l’instauration de la charia dans le nord Mali ? À déstabiliser l’ensemble du pays, affirment les nombreux adversaires du président burkinabé. Il est sûr que le départ forcé de Cheik Modibo Diarra n’aidera guère les institutions maliennes à s’imposer alors que les combattants djihadistes venus des quatre coins du monde rêvent de transformer le Nord en nouvel Afghanistan.
La galère s’achève, mais pas de la plus aimable des façons puisque le brillant scientifique a dû démissionner après avoir été arrêté et placé en résidence surveillée dans la nuit du lundi 10 décembre. Fin d’une expérience qui ne devait être que provisoire puisque Cheik Modibo Diarra, tout comme le président de la République Dioncounda Traoré, officiait comme premier ministre de transition en attendant la tenue d’élections générales censées doter le pays d’un pouvoir sorti des urnes.
À l’origine de sa chute, il y a une fois encore le capitaine Amadou Sanogo, l’organisateur du putsch militaire du 22 mars 2012 qui avait mis un terme à la présidence très fragilisée d’Amadou Toumani Touré (ATT) et déclenché par ricochet l’offensive des groupes islamistes et touaregs au nord du Mali. Revenus dans leur caserne de Kati, Sanogo et ses hommes n’ont cessé de vouloir influencer le cours de la vie politique malienne, en particulier du moment où le premier ministre, en accord avec le président, s’est engagé dans la voie de l’option militaire pour chasser les islamistes du Nord et restaurer l’intégrité territoriale du pays. Sanogo ne voulait pas en entendre parler, à l’image de son mentor et protecteur Blaise Campaoré, le chef d’État burkinabé, président de la Cedao (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) et, à ce titre, médiateur plus que controversé entre les groupes islamistes, les autorités de Bamako et l’Algérie.
Que cherche Campaoré en tergiversant avec les radicaux favorables à l’instauration de la charia dans le nord Mali ? À déstabiliser l’ensemble du pays, affirment les nombreux adversaires du président burkinabé. Il est sûr que le départ forcé de Cheik Modibo Diarra n’aidera guère les institutions maliennes à s’imposer alors que les combattants djihadistes venus des quatre coins du monde rêvent de transformer le Nord en nouvel Afghanistan.
Pour autant, les Maliens ne condamnent pas d’une seule voix les interventions musclées de Sanogo et certains considèrent même qu’il traduit somme toute l’hostilité d’une partie de la société civile à l’égard d’une classe politique très décrédibilisée.
Sans le soutenir, l’altermondialiste Aminata Traoré s’est toujours montrée virulente à l’encontre du pouvoir bicéphale parvenu à la tête de l’État sans en avoir la moindre légitimité. Sans véritable changement rapide au Mali, plaide l’ancienne ministre de la Culture entre 1997 et 2000, tout ne sera que mauvais replâtrage et illusoire effet d’optique, y compris la mise sur pied d’une force interafricaine pour chasser les islamistes.
Dans l’immédiat, le Mali attend un nouveau Premier ministre.
Sans le soutenir, l’altermondialiste Aminata Traoré s’est toujours montrée virulente à l’encontre du pouvoir bicéphale parvenu à la tête de l’État sans en avoir la moindre légitimité. Sans véritable changement rapide au Mali, plaide l’ancienne ministre de la Culture entre 1997 et 2000, tout ne sera que mauvais replâtrage et illusoire effet d’optique, y compris la mise sur pied d’une force interafricaine pour chasser les islamistes.
Dans l’immédiat, le Mali attend un nouveau Premier ministre.
samedi 8 décembre 2012
Les bons apôtres de l'insécurité
Vous avez aimé le (faux) débat sur la «compétitivité» ? Vous adorerez celui sur la «flexibilité»... En éclaireuse des combats décisifs, Laurence Parisot a décrété qu'il était urgent de«détabouïser le mot de "flexibilité"». La patronne des patrons applique à la lettre le principe de base du sarkozysme : accoler l'étiquette de «tabou» à toute conquête sociale que l'on veut ébranler. Ici, c'est le droit à un emploi stable qui est visé. Il faut donc parer l'offensive des oripeaux de la modernité et convaincre que le travail doit s'adapter aux exigences vagabondes du capital comme le pied à la chaussure.
Champion de la lutte contre les tabous, le Figaro pose cette question : «Et si l'on disait le mot en "f" ?» Drôle d'interrogation, puisque les trois quarts des emplois créés sont des emplois précaires, ce qui est le comble de la flexibilité.
>> Lire aussi : Le manège infernal du « toujour plus »
Pourtant, il faut procéder comme si telle n'était pas la réalité, afin de faire triompher l'idée selon laquelle rien n'est plus ringard que de vouloir disposer d'un minimum de sécurité dans sa vie de salarié. Ainsi, les mêmes qui ne cessent d'accuser la gauche (non sans raisons, d'ailleurs) de ne pas avoir pris en compte le besoin de sécurité dans la cité proposent de lever la plupart des barrières destinées à assurer la protection de l'emploi, ce qui déboucherait sur une insécurité professionnelle aggravée. Quand ces grands esprits citent en exemple la «flexisécurité» testée dans les pays du nord de l'Europe, ils omettent de rappeler que ces derniers tentent de combiner flexibilité et sécurité. Eux rêvent de la «flexisécurité» sans sécurité.
Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, groupe de réflexion néolibéral, explique dans le Journal du dimanche qu'il faut en finir avec le CDD (contrat à durée déterminée) en rendant le CDI «plus simple». En vertu de quoi il propose d'instituer «un CDI ajustable qui correspondrait à une période définie de dix-huit, vingt-quatre mois, etc.».
Résumons. Pour se protéger du CDD, forme suprême de la flexibilité, on créerait un CDI à échéance variable, parfois très limité dans le temps, bref un CDI qui serait à l'emploi stable ce que le Canada Dry est à l'alcool. Le CDI relooké aurait l'odeur du CDI et le goût du CDD.
Si, par hypothèse funeste, un tel schéma entrait en vigueur, le chantage à la mode Renault pourrait être généralisé. En guise de cadeau de Noël avant l'heure, le PDG, Carlos Ghosn, a présenté aux salariés de l'ex-régie publique un plateau-repas avec le menu suivant : soit vous revoyez à la baisse certaines de vos conditions de travail et de rémunération, soit nous délocaliserons en Espagne, là où les ouvriers mettent de l'eau dans leur xérès et du riz de moindre qualité dans leur paella.
Le Monde en tire une morale exprimée par ce titre : «Compétitivité : l'Espagne défie la France». On pourrait aussi dire que le Portugal défie l'Espagne, que la Chine défie le Portugal, que le Vietnam défie la Chine, et que le Bangladesh défie le Vietnam, vu que l'on peut toujours chercher un pays où l'on accepte de travailler plus en gagnant moins. Quand on s'engage dans la course au dumping salarial, le pire est toujours possible.
jeudi 6 décembre 2012
ArcelorMittal retire la candidature de Florange pour le projet européen Ulcos
FLORANGE - C'est un énorme revers pour le gouvernement : le groupe ArcelorMittal a retiré le projet industriel Ulcos, présenté comme le principal espoir de Florange, du programme de la commission européenne qui devait assurer presque la moitié de son financement. La Commission européenne l'a annoncé jeudi 6 décembre .
"ArcelorMittal a informé la Commission qu'il retire le projet Ulcos à cause de difficultés techniques", a indiqué à l'AFP Isaac Valero, porte-parole de la Commissaire en charge du Climat Connie Hedegaard. Ce projet de captage et de stockage du CO2 était le principal espoir de reconversion du site par les syndicats et le gouvernement.
Ulcos est un projet industriel de recherche porté par un consortium de 48 entreprises européennes, dont ArcelorMittal. Il s'agit de mettre au point un procédé de production de l'acier à la fois plus propre et plus efficace. Il repose sur deux composantes : d'une part, le recyclage d'une partie des gaz produits par les hauts-fourneaux et une alimentation de ceux-ci en oxygène pur, ce qui permet d'augmenter leur rendement, d'autre part, la capture et le stockage du CO2 produit pour réduire l'impact environnemental.
mardi 4 décembre 2012
Pourquoi le social-libéralisme est dans l'impasse
PAR MICHEL PINÇON ET MONIQUE PINÇON-CHARLOT
Alors que sa base populaire s'est considérablement affaiblie, le nouveau pouvoir reste prisonnier des dogmes néolibéraux qui le conduisent à pratiquer le grand écart entre ses promesses et ses actes, analyse les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, auteur de «L'argent sans foi ni loi. Conversation avec Régis Meyran» (Textuel, 2012).
François Hollande n'aurait pu être élu président de la République sans l'apport des voix du Front de gauche, ce qui l'a obligé à des promesses de campagne pour une meilleure répartition des richesses entre le capital et le travail. Mais les promesses, une fois de plus, ne valent que pour ceux qui veulent bien y croire. Après cinq ans d'un «président des riches» qui a comblé les plus fortunés de nombreux cadeaux fiscaux, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n'a augmenté le taux horaire du Smic, hors inflation, que de 18 centimes d'euros (brut) !
Le mépris pour les millions de Français dont les salaires sont au-dessous du revenu médian, qui s'établit à 1 676 € net par mois, ne va pas les inciter à participer davantage à la vie politique. L'abstention a battu des records pour les élections législatives de juin 2012 : 44,6 % des électeurs inscrits ne sont pas allés voter au second tour. C'est le taux le plus élevé pour des élections législatives depuis 1958, date à laquelle il fut de 25,2 %. De 1958 à 1978, l'abstention a régulièrement reculé. Elle n'atteignait que 15,1 % en 1978. Puis elle a augmenté de 1981 à 2012. Cette concomitance avec les élections de deux présidents socialistes démontre que la duperie de la fausse alternative déroute massivement l'électorat notamment populaire.
Au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat François Hollande a recueilli 10 272 705 suffrages, ce qui représente 22,3 % des 46 066 307 inscrits. Le chef de l'Etat était donc minoritaire dans les souhaits des électeurs. Ce que soulignent aujourd'hui les réticences des écologistes, pourtant membres du gouvernement, et le peu d'empressement à le soutenir des élus et militants du Front de gauche. Il y a là une faiblesse de la base sociale susceptible de se mobiliser pour soutenir l'action gouvernementale.
Un soutien aussi faible du peuple français a ses raisons. On peut faire l'hypothèse du souvenir amer laissé par les années mitterrandiennes : ce fut l'époque où la dérégulation du système financier a triomphé, soutenue par un ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Bérégovoy, qui a laissé de bons souvenirs dans les beaux quartiers. Le pacte budgétaire et sa «règle d'or», dont la remise en cause et la renégociation avaient été imprudemment mises en avant par le candidat Hollande, sont des signes avant-coureurs des renoncements à venir. Les choix budgétaires de la France sont donc désormais sous le contrôle des experts européens. Le président a, très «normalement», envoyé un message politique clair aux marchés financiers. Le nouveau pouvoir socialiste va bel et bien continuer à appliquer les directives du néolibéralisme et mettre en œuvre une politique d'austérité à perpétuité pour les peuples. Cette reprise à son compte du drapeau de la «compétitivité» va se traduire pour les travailleurs par de nouveaux sacrifices pour les seuls bénéfices du capital et de ses actionnaires.
Au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat François Hollande a recueilli 10 272 705 suffrages, ce qui représente 22,3 % des 46 066 307 inscrits. Le chef de l'Etat était donc minoritaire dans les souhaits des électeurs. Ce que soulignent aujourd'hui les réticences des écologistes, pourtant membres du gouvernement, et le peu d'empressement à le soutenir des élus et militants du Front de gauche. Il y a là une faiblesse de la base sociale susceptible de se mobiliser pour soutenir l'action gouvernementale.
Un soutien aussi faible du peuple français a ses raisons. On peut faire l'hypothèse du souvenir amer laissé par les années mitterrandiennes : ce fut l'époque où la dérégulation du système financier a triomphé, soutenue par un ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Bérégovoy, qui a laissé de bons souvenirs dans les beaux quartiers. Le pacte budgétaire et sa «règle d'or», dont la remise en cause et la renégociation avaient été imprudemment mises en avant par le candidat Hollande, sont des signes avant-coureurs des renoncements à venir. Les choix budgétaires de la France sont donc désormais sous le contrôle des experts européens. Le président a, très «normalement», envoyé un message politique clair aux marchés financiers. Le nouveau pouvoir socialiste va bel et bien continuer à appliquer les directives du néolibéralisme et mettre en œuvre une politique d'austérité à perpétuité pour les peuples. Cette reprise à son compte du drapeau de la «compétitivité» va se traduire pour les travailleurs par de nouveaux sacrifices pour les seuls bénéfices du capital et de ses actionnaires.
UN RÉGIME CENSITAIRE
Les manipulations idéologiques et linguistiques ont été reprises par l'Elysée et l'Assemblée nationale, pour continuer à faire croire, dans une inversion totale des valeurs morales et économiques, que le travail coûte trop cher à ces riches et généreux investisseurs qui créent des emplois. Les politiciens du Parti socialiste poursuivent la mise en scène de la défense de l'emploi en France, alors qu'ils savent très bien qu'ils appliquent la politique néolibérale qui a instauré dans les moindres détails du droit français et européen la liberté totale du capital pour délocaliser les emplois ouvriers et de service dans les pays les plus pauvres où la main-d'œuvre est payée au tarif local, celui de la misère.
Comment croire que les socialistes pourraient mener une politique plus douce à l'égard des travailleurs, alors qu'ils sont formés dans les mêmes grandes écoles que les patrons et les politiciens de droite : ENA, Sciences-Po, HEC et, bien entendu, Harvard ? Coupés du peuple avec le cumul des mandats - sur les 297 députés du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, on compte 207 cumulards -, les élus socialistes, dans le souci de faire progresser leur carrière en politique, ont rejoint les intérêts de la classe dominante dont ils sont devenus les alliés objectifs. Tous d'accord pour que, au nom de la «démocratie» et des «droits de l'homme», la vie politique française soit gérée dans un régime, en réalité censitaire, où les élites sociales qui composent l'essentiel des chambres vont promulguer les lois les plus favorables à leurs intérêts et à ceux qu'ils représentent. Comment se fait-il que les ouvriers et les employés, qui sont 52 % de la population active, ne soient présents ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, ou si peu ? Cette absence explique le désintérêt pour la politique que traduit le succès remarquable du parti des abstentionnistes.
Dans la phase néolibérale d'un système capitaliste financiarisé, hautement spéculatif à l'échelle du monde, il n'y a pas d'accommodement possible comme ce fut le cas pendant les Trente Glorieuses où la croissance et un Etat-providence fort autorisaient la redistribution. L'avenir de la présence de l'homme sur la Terre est menacé. Seule une opposition claire à cette économie destructrice rendra possible la construction et la mise en œuvre d'une société ou l'humain détrônerait à tout jamais l'argent sans foi ni loi.
Comment croire que les socialistes pourraient mener une politique plus douce à l'égard des travailleurs, alors qu'ils sont formés dans les mêmes grandes écoles que les patrons et les politiciens de droite : ENA, Sciences-Po, HEC et, bien entendu, Harvard ? Coupés du peuple avec le cumul des mandats - sur les 297 députés du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, on compte 207 cumulards -, les élus socialistes, dans le souci de faire progresser leur carrière en politique, ont rejoint les intérêts de la classe dominante dont ils sont devenus les alliés objectifs. Tous d'accord pour que, au nom de la «démocratie» et des «droits de l'homme», la vie politique française soit gérée dans un régime, en réalité censitaire, où les élites sociales qui composent l'essentiel des chambres vont promulguer les lois les plus favorables à leurs intérêts et à ceux qu'ils représentent. Comment se fait-il que les ouvriers et les employés, qui sont 52 % de la population active, ne soient présents ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, ou si peu ? Cette absence explique le désintérêt pour la politique que traduit le succès remarquable du parti des abstentionnistes.
Dans la phase néolibérale d'un système capitaliste financiarisé, hautement spéculatif à l'échelle du monde, il n'y a pas d'accommodement possible comme ce fut le cas pendant les Trente Glorieuses où la croissance et un Etat-providence fort autorisaient la redistribution. L'avenir de la présence de l'homme sur la Terre est menacé. Seule une opposition claire à cette économie destructrice rendra possible la construction et la mise en œuvre d'une société ou l'humain détrônerait à tout jamais l'argent sans foi ni loi.
samedi 1 décembre 2012
Un bon livre
Professeur émérite de l’Université de Paris Sud (Orsay), Serge Latouche est notamment spécialiste des rapports Nord-Sud et d’une réflexion sur les principaux concepts économiques. Il est l’un des animateurs du MAUSS (Mouvement anti-utilitaire dans les sciences sociales). Plus récemment, il a participé à la fondation de la revue ENTROPIA, revue d’étude théorique et politique de la décroissance.
Caricaturée par ses adversaires en une régression économique et sociale radicale, la décroissance se veut au contraire une perspective d’avenir pour y échapper : celle d’un refus du gaspillage des ressources naturelles, d’une prise en compte de leurs limites qui rendent d’ores et déjà impossible la généralisation à toute la planète du mode de vie occidental. Aussi exige-t-elle un changement radical de paradigme, ce que l’auteur appelle une société de décroissance. Une telle société donnerait un autre sens à la production et à la consommation, réorientant les arbitrages politiques, relocalisant l’économie, limitant les échanges dispendieux mais stimulant la convivialité. Cet appel à la décroissance, qui rencontre de nombreux échos depuis que la crise planétaire a éclaté et que les menaces sur l’environnement se précisent, est aussi un appel à l’imagination.
Le terme «décroissance » sonne comme un défi ou une provocation, même si nous savons bien qu'une croissance infinie est incompatible avec une planète finie. L'objet de cet ouvrage est de montrer que si un changement radical est une nécessité absolue, le choix volontaire d'une société de décroissance est un pari qui vaut la peine d'être tenté pour éviter un recul brutal et dramatique.
Il s'agit donc d'une proposition nécessaire pour rouvrir l'espace de l'inventivité et de la créativité de l'imaginaire bloqué par le totalitarisme économiciste, développementiste et progressiste. Bien évidemment, elle ne vise pas au renversement caricatural qui consisterait à prôner la décroissance pour la décroissance. Celle-ci n'est envisageable que dans une « société de décroissance », c'est-à-dire dans le cadre d'un système reposant sur une autre logique.
Reste le plus difficile : comment construire une société soutenable, y compris au Sud? Il faut en expliciter les diverses étapes : changer de valeurs et de concepts, changer de structures, relocaliser l'économie et la vie, revoir nos modes d'usage des produits, répondre au défi spécifique des pays du Sud. Enfin, il faut assurer la transition de notre société de croissance à la société de décroissance par les mesures appropriées.
À droite comme à gauche, les critiques fusent : comment éliminer la misère dans nos contrées sans croissance ? Quel sens peut bien avoir la décroissance dans les pays du Sud? Qui va soutenir un tel projet : les ouvriers, les classes moyennes? Et si la croissance se résumait à la production de services? À la valeur marchande?
Serge Latouche liste toutes les interrogations, mêlant préoccupations réelles et idées fausses en circulation, pour leur apporter des réponses précises et argumentées qui mettent un terme aux inquiétudes fantasmagoriques qui l’entourent.
Non, la décroissance n’est pas synonyme de croissance zéro ; non, elle n’est pas technophobe. Ce n’est ni un projet antimoderne destiné à nous renvoyer vivre dans des cavernes, ni un programme visant à restaurer un ordre patriarcal communautaire, ni l’instrument qui ferait de nous des chômeurs.
S’il fallait le dire autrement, Serge Latouche parlerait de société d’abondance frugale : voilà la transition économique et politique qu’il nous propose.
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