À la présidentielle on vote, aux législatives on fait l'élection buissonnière !
Record d'abstention battu, le 10 juin, pour ce qui est des scrutins
parlementaires organisés sous la Vème République. L'abstention a plus que
doublé par rapport au taux enregistré un mois plus tôt pour élire le chef de
l'État. Voilà au bout de quelle dérive conduit le bonapartisme de nos
institutions : le ban et l'arrière-ban de l'électorat se mobilisent pour désigner
l'homme providentiel, mais les Français boudent les urnes quand l'heure est
venue d'élire leurs députés !
« Il faut donner une majorité au Président », martèle-t-on du côté du PS.
Certes, nous n'en disconvenons pas puisque la constitution est ce qu'elle est, mais constatons, une fois de plus, que le Parlement se voit réduit aujourd'hui au rôle de chambre d'enregistrement, ce qui explique en grande partie la désaffection croissante de nos concitoyens à son égard. De plus, si l'on s'en tient aux résultats de l'élection présidentielle, le tiers des Français sera peu (ou pas) représenté dans la prochaine Assemblée.
Ce déni de démocratie entraîne une crise de la représentation politique
reconnue par tous. Ne pas tenter d'y remédier serait pour la gauche une faute grave, d'autant qu'elle aura comme jamais la possibilité de réformer la
constitution. « Réenchanter le rêve français » requiert que l'on redonne tout
son sens à la politique pour remobiliser les citoyens.
Car « les difficultés commencent », comme disait le vieux Bracke, dirigeant
de la SFIO, au lendemain de la victoire du Front Populaire, et François
Hollande n'a pas tort de reprendre la formule à son compte. L'Espagne appelle à l'aide pour renflouer ses banques (il en coûterait jusqu'à 20 milliards d'euros à la France) : la vocation de l'Europe est-elle de sauver la finance en imposant des politiques d'austérité à ses peuples ? La Grèce s'apprête à revoter le 17 juin : faut-il condamner ses habitants à choisir entre les diktats de la « troïka » (UE, BCE, FMI) ou l'exclusion de la zone euro ?
Et l'Allemagne… Comme on pouvait s'y attendre, le gouvernement Merkel
fait la sourde oreille à la demande française de renégocier le pacte budgétaire.
Pour Berlin, la croissance passe par le désendettement, le désendettement
par l'austérité. Le célèbre économiste américain Nouriel Roubini et son
collègue Niall Ferguson dressent, dans le Monde du 12 juin, un parallèle
saisissant : « Il nous paraît extraordinaire que ce soit l'Allemagne qui semble
si peu avoir appris de l'Histoire. Obnubilés par l'objectif de maîtriser l'inflation,
les Allemands donnent l'impression d'attacher plus d'importance à l'année
1923 (l'année de l'hyperinflation) qu'à l'année 1933 (date à laquelle la
démocratie est morte). Ils feraient bien de se souvenir que la crise bancaire
européenne qui éclata deux ans avant 1933 a contribué directement à
l'étouffement de la démocratie, non seulement dans leur propre pays mais sur tout le continent européen ».
Oui, les difficultés s'amoncellent, comme l'illustre aussi la multiplication des
plans sociaux. S'approche aussi l'heure de vérité pour François Hollande et
son gouvernement. Définira-t-il une voie nouvelle en Europe, quitte à
s'affronter à la chancelière ? Saura-t-il et voudra-t-il résister à la finance,
désignée il y a peu au Bourget comme l'ennemi principal ?
La tâche est immense. À défaut de réenchanter nos rêves, c'est la politique
en France et en Europe qui est à réinventer. Pour cela, il est en tous cas
impératif de voter à gauche le 17 juin – la gauche dans toutes ses
composantes, pour battre la droite et l'extrême droite.
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