Lorsqu'on veut faire passer un message, il faut d'abord comprendre ce que nous dit réellement notre interlocuteur. Une attitude qui exige un certain savoir-faire.
Entendre ne nécessite aucun effort d'attention particulier : c'est simplement le sens de l'audition qui fonctionne. «Ecouter, en revanche, est un acte volontaire. Vous décidez de vous concentrer pour mieux connaître votre interlocuteur et vous assurer que vous comprenez bien le message qu'il vous transmet», explique Patrick David, consultant et auteur de «La Négociation commerciale en pratique» (Editions d'Organisation). Cette attitude, appelée écoute «active», s'applique évidemment quel que soit l'objectif à atteindre : vendre un produit, désamorcer un conflit au sein d'une équipe, obtenir le soutien d'un patron pour un projet…
Lors d'un entretien de recrutement, par exemple, cet état d'esprit permet de mieux cerner la personnalité d'un candidat ou, à l'inverse, de bien comprendre les attentes d'un employeur. Autre cas de figure, dans le cadre de la négociation commerciale, il est essentiel d'être sur la même longueur d'ondes qu'un client pour identifier clairement ses besoins. Une étape indispensable si l'on veut lui proposer la solution qui lui convient… et donc réussir à faire affaire avec lui. Plusieurs techniques de communication améliorent notre capacité d'écoute et facilitent le dialogue.
Reformulez habilement pour éviter les interprétations abusives
«Certaines personnes pensent que l'écoute active signifie se mettre à la place de l'autre et être forcément d'accord avec lui», commente Patrick David. Il n'en est rien : il s'agit en réalité de comprendre les arguments avancés par l'interlocuteur et de montrer qu'on a bien compris ce qu'il a voulu dire. L'une des grandes techniques permettant d'obtenir ce résultat consiste à reformuler, c'est-à-dire à exprimer avec vos propres mots ce que vous avez perçu du message. D'ailleurs, il est nécessaire de commencer le dialogue par des expressions du type : «Si je vous suis bien, vous voulez dire que…», «Si je vous résume…», «Si je vous ai bien compris…»
La reformulation permet donc de clarifier l'échange et d'éviter les erreurs d'interprétation. Imaginons que, lors de la présentation d'une nouvelle offre de service, un client vous dise avoir bien pris connaissance de votre proposition mais qu'il ne sera susceptible de l'accepter que si vous l'«optimisez». Que devez-vous comprendre ? Qu'il faut ajouter des services ou au contraire réduire le prix ? Il est dans ce cas nécessaire de demander des précisions afin de savoir exactement ce que votre interlocuteur souhaite.
«Une reformulation réussie exclut tout conseil, tout jugement et toute inférence de votre part, c'est-à-dire que vous ne devez rien déduire, a priori, de ce que la personne est en train de vous dire», avertit Emilie Devienne, coach et auteur de «Savoir écouter» (Eyrolles). Lors de l'entretien annuel d'évaluation, si un collaborateur vous confie : «La prochaine restructuration des services m'inquiète», ne reformulez pas en disant : «Ah bon ? Qu'est-ce qui te fait peur ?» D'une part, le «Ah bon ?» marque un étonnement qui peut être perçu comme une critique. D'autre part, le mot «peur» est d'une intensité supérieure à l'inquiétude exprimée à l'origine. Vous pouvez en revanche répondre : «Si je te comprends bien, tu éprouves une certaine appréhension due à cette restructuration ?» L'échange pourra alors se poursuivre, enrichi d'autres explications qui vous permettront de comprendre ce qui soucie effectivement la personne…
Observez l'attitude corporelle afin d'affiner votre compréhension
La communication verbale n'est pas le seul moyen de comprendre ce que dit quelqu'un : il est également indispensable de tenir compte du langage non verbal. «Les postures, les mimiques, les regards… constituent autant d'indicateurs sur ce que pense et ressent véritablement votre interlocuteur, explique Louis Bernard, fondateur du cabinet Layer Cake. Le langage corporel exprime tout ce qui est non dit : quelqu'un peut affirmer quelque chose et son corps dire le contraire.» Il est donc nécessaire d'apprendre à décoder les attitudes de vos interlocuteurs. Pour vous entraîner, Didier Kahn, créateur du cabinet de conseil en management DK Consulting, recommande cet exercice : «Lors d'un débat télévisé, supprimez le son pour vous concentrer sur les postures, la gestuelle, le visage des personnes qui dialoguent, et essayez de deviner la teneur des échanges et les avis de chacun.»
Soyez aussi attentif à ce que vous-même exprimez avec votre corps. «En général, les bras croisés, le visage fermé ou impassible, le regard distrait, traduisent un manque de réceptivité, précise Didier Kahn. Privilégiez les hochements de tête, les murmures d'assentiment : ils assurent de votre écoute et de votre compréhension.» Enfin, la prise de notes, à condition de ne pas rester le nez plongé dans son bloc, constitue un moyen de montrer que vous prenez en considération ce que l'on vous dit. Autre avantage : elle permet de rester concentré pendant toute la durée de l'échange. «L'écoute active suppose une attention constante, insiste Louis Bernard. Ce qui implique d'oublier ses soucis, de ne pas penser à la réunion à laquelle on doit assister après, ni d'anticiper la réponse alors que l'autre parle.»
Sachez utiliser les temps de silence pour renforcer votre propos
Dans un échange, les non-dits se révèlent souvent aussi importants que ce qui est exprimé verbalement, d'où l'attention à accorder aux silences. «En communication, ces temps morts sont peu appréciés parce qu'ils peuvent trahir une gêne et entraîner un moment d'inconfort», constate Patrick David. Or, si vous l'utilisez à bon escient, le silence peut devenir un atout dans votre stratégie de communication. Il s'agit de marquer une pause, de laisser dire plutôt que dire. Un temps de silence qui fait suite à un argument majeur renforce l'impact de ce dernier. Laisser s'écouler une fraction de seconde avant de poursuivre son discours crée aussi un effet de suspense et attire l'attention. Les commerciaux usent souvent de cette technique lorsqu'ils sont sur le point d'annoncer un rabais supplémentaire : ils soulignent ainsi leur effort et créent l'attente chez l'acheteur. Il peut aussi arriver que le silence vous desserve quand vous restez sans voix face à une remarque déstabilisante. L'astuce consiste à gagner du temps en répliquant : «J'entends votre observation, mais pouvez-vous m'en dire plus ?»
Posez les questions qui permettent de faire avancer l'échange
L'écoute active passe par un questionnement pertinent. «Le type de questions va dépendre de votre intention : encourager l'autre à développer son propos, obtenir une précision, relancer le débat…», précise Emilie Devienne. Pour faciliter le dialogue, privilégiez les questions ouvertes : «Pouvez-vous m'en dire plus… ? «Quel objectif souhaitez-vous atteindre avec ce projet ?» Vous invitez ainsi votre interlocuteur à développer ses arguments. «Attention, toutefois, à ne pas refermer trop rapidement la question ou à induire la réponse», prévient Patrick David. C'est par exemple le cas si vous demandez à un client : «Comment procédez-vous pour vos achats et votre approvisionnement ? Effectuez-vous des appels d'offres ?» Vous empêchez alors votre interlocuteur de développer ses propres idées.
Les questions fermées, quant à elles, attendent un simple «oui» ou «non». Vous pouvez notamment y recourir pour contenir le flux de paroles d'une personne loquace. Dans un débat, les questions dites «miroir», qui reprennent le dernier mot d'un participant suivi d'un «Est-ce aussi votre avis ?», relancent l'échange d'idées et permettent de rebondir sur un propos. «Enfin, les questions orientées comme "Ne pensez-vous pas que le chantier est déjà sur la bonne voie ?" influencent la réponse de l'interlocuteur», explique la coach Emilie Devienne. Un bon moyen de conclure en obtenant l'adhésion.
Céline Deval
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