lundi 11 juillet 2011

Le gouvernement choie ses chers électeurs généralistes


Soucieux de « reconquérir, pour 2012, la clientèle des médecins, Nicolas Sarkozy avait déjà imposé à Roselyne Bachelot la hausse de 1 euro – de 22 euros à 23 euros – des consultations des généralistes appliquées en début d'année.
Voici que, sur proposition de Jean-Pierre Fourcade avec, évidemment, l'aval, sinon l'ordre de Nicolas Sarkozy, et sous la pression du lobby des professionnels de santé, très nombreux à la droite du Parlement, la loi Bachelot de 2009 vole en éclats et, avec elle, quelques dispositions qui allaient plutôt dans le sens d'un meilleur accès aux soins.
Nous sommes dans la plus ignoble démagogie électorale s'agissant de la santé.

Le gouvernement choie ses chers électeurs généralistes

Roselyne Bachelot avait fait voter en 2009 une loi dénommée HPST : " Hôpitaux, patients, santé, territoire ". Il y était prévu d'imposer aux médecins généralistes des villes d'aller, à temps très partiel, aider leurs collègues installés en zones sous-dotées et ne pouvant plus faire face aux besoins des malades ruraux, sous peine d'une amende de 3 000 euros.
L'obligation et l'amende sont supprimées. Les déserts médicaux seront plus désertiques encore, et l'accès aux soins un peu plus inégalitaire.
Alors que l'assurance maladie est en déficit (10,5 milliards d'euros en 2010), le même Président, déjà en campagne, avait imposé à sa ministre, qui n'y était pas favorable, une augmentation de 1 euro de la consultation. Sans aucune contrepartie ! Et voici qu'on annonce une nouvelle revalorisation sur trois ans…

Des généralistes très correctement rémunérés en moyenne

Le revenu moyen d'un généraliste, en 2010, a été de 75 000 euros après déduction des frais professionnels et avant impôt.
Ce revenu moyen est satisfaisant. Les médecins mettent toujours en avant leurs dix années d'étude. Mais prenons le cas d'un cadre commercial ou technique issu d'une école d'ingénieurs ou de commerce : après deux ans de préparation, trois ans d'école, et cinq de pratique, il gagnera très rarement cette somme.
Il faut alors se rappeler que ces cadres génèrent la valeur ajoutée sur laquelle est financée l'assurance maladie donc, indirectement, les médecins. Ceux-ci sont donc, relativement aux autres cadres, très correctement rémunérés.
Il est vrai que, par rapport aux 200 000 euros des radiologues, 170 000 des anesthésistes, 125 000 des ophtalmologues, les " omnipraticiens " peuvent se sentir frustrés. C'est, d'ailleurs, avec la surcharge de travail dans les zones rurales, l'explication du peu d'installations nouvelles d'omnipraticiens.

Une bonne médecine pour tous est possible

Ce revenu de 75 000 euros par an, donc 6 250 euros par mois, est une moyenne. Il peut être atteint avec 270 consultations par mois, donc, sur vingt jours, 13/14 consultations par jour, ce qui est un chiffre normal. Il permet de passer environ une demi-heure avec chaque patient, donc de réaliser un bon examen et même de faire une bonne prévention.
Ces chiffres font cependant sourire nombre de médecins. Les uns pratiquent plutôt 25/30 consultations par jour, voire plus. Ce sont ceux qui gagnent bien plus que la moyenne. Non seulement ils travaillent dix/douze heures par jour, et finissent par s'en plaindre, mais souvent, pour renouveler une ordonnance, gardent le patient seulement dix à quinze minutes. Quand ils ne signent pas la pile de feuilles de maladie et d'ordonnances préparées à leur intention dans les maisons de retraite…
Ce chiffre est, en même temps, un objectif, une sorte de smic professionnel pour ceux qui s'installent et doivent se constituer une clientèle ou les quelques-uns qui ont racheté un cabinet dans un quartier passé à la CMU. Ils tendent donc vers cet objectif et peuvent être tentés, pour ce faire, de multiplier les actes….

Le paiement à l'acte reste intouchable

La solution du dilemme " accès égal aux soins, freinage du déficit de l'assurance maladie, et maintien d'un revenu normal aux médecins " est bien connue : c'est le paiement par capitation, tant par malade et par trimestre ou année. Il ne s'agit pas de fonctionnariser la médecine ; le choix par le malade de son médecin doit rester la règle.
Malheureusement, dans le protocole présenté jeudi 30 juin par l'assurance maladie aux syndicats médicaux, le paiement à l'acte est réaffirmé comme central. Tout laisse entrevoir, là aussi, l'influence du gouvernement pour satisfaire la majorité des généralistes qui, par bêtise ou intérêt, se refusent à même tenter la capitation. Laquelle, un jour ou l'autre, s'imposera.
Rien de nouveau non plus pour les dépassements d'honoraire des spécialistes. L'idée – combien légitime – de les encadrer est vaguement reprise sous la forme d'un projet de secteur " optionnel " entre le secteur normal et le secteur libre, où leur montant serait plafonné. Mais les syndicats médicaux se gardent bien d'accepter la négociation sur ce point et l'on peut gager qu'il ne sera plus abordé avant 2012.
Dans le même mouvement de reconquête électorale du corps médical, le Parlement est allé jusqu'à supprimer l'obligation faite aux généralistes, par la loi HPST, de déclarer leurs congés !

Les dentistes margent ce qu'ils veulent sur les prothèses

Les dentistes aussi sont " caressés " dans le sens du poil. Il était question, comme dans tous les pays modernes, qu'il soit tenu, en cas de prothèse, de préciser le prix d'achat de celle-ci aux prothésistes et de faire apparaître clairement leurs honoraires et, par conséquent, la marge qu'ils prélèvent, en plus de ceux-ci, sur cet achat. Disposition supprimée !
Enfin, pour parfaire la " caresse " électorale, les négociations entre les mutuelles de santé et les médecins individuels pour les inclure dans les réseaux mis à la disposition des patients sont désormais interdites. Les mutuelles doivent négocier avec les syndicats médicaux. Autant dire que les conditions seront bien plus rudes pour les réseaux, donc les patients.
Bref, des quatre lettres de la loi HSPT, seules "H", pour la rigueur imposée, non sans une certaine légitimité, à la gestion des hôpitaux, et "T", par la seule création et installation des agences régionales de santé, restent actives. Le "P" de patients et le "S" de santé passent à la trappe électorale. Portez-vous bien ou payez plus cher !

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