Vu dans Marianne cette semaine
Le nouveau livre du couple de sociologues, "la Violence des riches", pointe une fois encore le cynisme des élites françaises et s'en prend à la délinquance fiscale, véritable sport de classe.
Les escroqueries à la Sécurité sociale ou au fisc coûtent, elles, des dizaines de milliards à la collectivité nationale. Car la fraude fiscale est un sport de classe que l'on pratique plus à Neuilly-sur-Seine qu'à La Courneuve et à Sarcelles. C'est finalement Valls qui ferait bien de mettre la pression sur Mme Taubira ! Car l'ordre républicain est ici bafoué tous les jours par des juges plus laxistes qu'en banlieue. «En moyenne, six mois avec sursis et quelques millions d'euros d'amendes pour des fraudes avoisinant le milliard d'euros», écrivent les Pinçon-Charlot. N'en déplaise à François Hollande, ces délinquants ont un prénom et un visage : ils s'appellent Laurence, Bernard... Qu'ils soient héritiers, financiers ou gestionnaires de fonds, en cas de récidive, aucune peine plancher n'est prévue pour eux. Au contraire. Ils gagnent à tous les coups. Le soutien du Medef leur est acquis, et en prime ils peuvent devenir conseillers du gouvernement socialiste.
"L'argent, c'est la liberté"
Tout le monde en prend pour son grade avec les Pinçon. Les hommes politiques, évidemment. L'UMP trouvera d'ailleurs ici tout prêt un «inventaire» saisissant de la politique de Sarkozy. Pour un complément d'information, Copé et son équipe pourront aussi puiser allégrement dans un précédent livre du couple : le Président des riches (La Découverte, 2011). Notre gouvernement n'est pas pour autant oublié. L'hommage rendu aux socialistes par Bernard Arnault, la première fortune de France, dans un entretien au Monde de 2013 est un vrai coup de griffe du rapace. «Quand Pierre Bérégovoy était ministre de l'Economie de François Mitterrand, l'entrepreneur était considéré comme un héros national», et les salariés, eux, commençaient à être vus comme une charge. Si les réseaux de Hollande sont décrits un peu trop vite ; dans un chapitre sur PSA, les deux auteurs s'interrogent avec ironie sur cette «deuxième droite». «Comment Pierre Moscovici a-t-il pu déclarer au Monde le 17 juillet 2012 : "Comme tout le monde, j'ai ressenti un choc à l'annonce du plan de PSA. Et c'est d'abord aux salariés et à leurs familles que je pense." Mais pouvait-il être dans l'ignorance des difficultés de cette société en tant que vice-président du Cercle de l'industrie, dont Philippe Varin [le président du directoire de PSA] est le président ?»
Les petits soldats du journalisme ne sont pas oubliés. Il suffit d'allumer sa radio pour entendre un auditeur nous rappeler que les riches font vivre le commerce : «L'argent, c'est la liberté, et je regrette qu'en France on soit envieux vers le haut et que l'on tire notre pays vers le bas.» Le Meccano de la domination se voit encore une fois ici démonté.
La Violence des riches, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, 256 p., 17 €. A paraître le 12 septembre.